Your browser does not support JavaScript!
restaurer les menus
Les fours à pain

Les fours à pain de Javené

LL’histoire du pain est liée à l’histoire des hommes. Le blé, la farine, le pain sont à la base de l’alimentation des populations depuis la nuit des temps. Fours isolés, fours avec fournil, avec des formes diverses, au cul droit ou arrondi, parfois abandonné ou détruits, ils sont encore nombreux à Javené pour témoigner du passé. Ils font partie du petit patrimoine rural qu’il conviendrait de sauvegarder tout comme les têtes de puits qui, hélas, ont presque partout disparu du territoire de la commune.

En 1995, en se décentralisant à Javené pour y présenter la pièce de Jean Giono, La femme du boulangerLe spectacle eut lieu du 18 au 27 août 1995 sur la place devant la mairie., le 19ème Festival du Livre Vivant nous donnait l’occasion de nous intéresser à l’histoire du pain et de recenser les fours à pain existants encore sur le territoire de la commune.
Quoi de plus banal pour nous que d’acheter sa baguette de pain à la boulangerie, à la grande surface…. Mais ne reviendrions-nous pas aux sources puisque de nos jours avec des petites machines à pain, on peut le fabriquer soi-même chez soi?
Base de l’alimentation des hommes, ce pain quotidien est devenu tellement essentiel à la vie des populations qu’il leur a toujours inspiré grande considération et respect. Nous grands-parents seraient sans doute fous de rage s’ils voyaient le pain jeté dans nos poubelles contemporaines, chose impensable pour eux car il leur fallait vraiment gagner leur pain à la sueur de leur front.

Que de conflits, de malheurs, de révolutions parfois ce pain si nécessaire n’a-t-il pas engendré au cours de l’histoire lorsqu’il faisait défaut! Les archives des communes du Pays de Fougères ont conservé la triste mémoire de certaines disettes dues à la mauvaise circulation des grains, à de mauvaises récoltes, à une gelée brutale… entraînant dans leurs sillages de véritables catastrophes humaines et économiques, décimant par centaines les plus pauvres et les entraînant dans une misère encore plus profonde.

Ce cher grain de blé: quel symbole! Quelle vraie valeur lui donnons-nous aujourd’hui? Nous ne pouvons nous empêcher de penser à ces populations entières, sur notre belle planète bleue, meurent encore de faim de nos jours.

La féodalité avait bien compris qu’en instituant la banalité sur les moulins et sur les fours, on pouvait mieux contrôler ses sujets tout en gagnant de l’argent. Avec la Révolution, se libérant de l’ancien moulin banal et seigneurial où, pendant des siècles, les paysans durent aller faire moudre leurs grains, ils purent enfin construire chez eux ou dans leur village leur propre four à pain. Chaque village, voire chaque ferme, partout dans nos campagnes, possédait le sien.
Les photographies des fours recensés à Javené datent donc de 1995. Depuis, certains ont été restaurés, d’autres ont aussi disparus, hélas !

Après bien des décennies d’utilisation, les fours sont tombés en désuétude et ont été abandonnés. Il y a bien longtemps déjà que l’on ne boulange plus et que l’on ne fabrique plus ces pain, pesant parfois jusqu’à six livres et qui se conservaient facilement quinze jours !

Pas si simple en réalité de faire cuire son pain. C’était tout un savoir-faire. De la qualité du four d’abord, de sa facilité de chauffe ensuite la réussite de la cuisson.

Faire chauffer le four, selon l’expression bien connue en nos pays, revêtait toute son importance. Pour certains fours, bien construits, un seul fagot suffisait parfois pour obtenir la température voulue (250° environ pour la cuisson du pain); pour d’autres, trois ou quatre fagots n’y suffisaient pas !

Les fours isolés, selon leur orientation (de préférence à l’abri des vents dominants) semblent avoir été, d’après les témoignages recueillis près de leurs anciens utilisateurs,, les plus difficiles à chauffer, plus difficile en tous cas que ceux qui étaient précédés d’un fournil. Les dimensions du four y étaient aussi pour beaucoup: un four à la voûte trop basse tenait mal la chaleur; une voûte trop haute avait l’inconvénient de brûler le pain par-dessous avant que la pâte ne soit cuite.

Lorsque le bois était brûlé, il convenait de retirer les braises avec une grande raclette – le rouabe – de nettoyer l’intérieur du four avec une patouille, sorte de serpillère souvent formée d’un sac de jute que l’on trempait dans l’eau et que l’on enroulait sur un long et grand manche de bois, afin d’enlever le reste des cendres. Ce travail devait se faire rapidement avant de pouvoir enfourner les pains au moyen de la grande pêle de bois et de fermer soigneusement la porte que l’on colmatait avec du bouillon, sorte de mélange de terre glaise et d’eau, afin d’éviter toute déperdition de chaleur.

Pour s’assurer que le four était à bonne température et suffisamment chaud, plusieurs moyens étaient utilisés par nos anciens. Pour certains, il leur suffisait de constater que la voûte du four était blanche pour enfourner; pour d’autres, une feuille de journal qui s’enflamme, une bouteille de verre blanc qui fond à l’entrée du four, renseignaient de manière certaine sur la température adéquate.

Il convenait aussi de veiller à ce que les boules de pâte ne soient pas trop rapprochées les unes des autres afin que les pains ne s’attachent pas ensemble en levant.

Lorsque le pain était cuit à point, le four était encore suffisamment chaud pour recevoir tour à tour, selon la température restante, une volaille ou un rôti, un plat de riz au lait, un gâteau ou un plat de pommes ou de poires à cuire – la poire dite de crapaud en provenance d’un poirier sauvage, faisait souvent l’affaire. Généralement amère, cette petite poire trouvait une agréable succulence lorsqu’elle était cuite ainsi.

Le festin de la noce ou celui de la communion du p’tit rassemblait tous les convives sous le logeu que l’on avait aménagé pour l’occasion et autour duquel on avait tendu des draps blancs décorés de fleurs pour la circonstance; les batteries ou les tueries de cochon, étaient autant d’occasion de mettre le four en service. Rien de mieux en effet qu’un bon four de campagne pour assurer la cuisson de nombreux plats, toujours superbement dorés, dont l’odeur et le goût incomparables flattaient allègrement narines et palais.

Ce patrimoine rural, hélas, disparaît peu à peu. Ne servant plus, de nombreux fours sont abandonnés, noyés sous le lierre, ayant perdu leur toiture, rongés par les intempéries, ils finissent par être détruits, emportant avec eux, selon une phrase très juste relevée dans un inventaire des fours de la commune de Chauvigné réalisé en 1992 par l’APPAC, une part de nos racines terriennes et le symbole d’une communauté paysanne autrefois très intense.

Cependant parfois, le four à pain retrouve un certain intérêt. Tant au niveau du témoignage du passé et du patrimoine rural qu’il représente qu’en celui de son utilisation domestique – souvent les deux – On retrouve heureusement à Javené de nombreux fours parfaitement restaurés, voire des fours récemment construits, qui sont régulièrement utilisés.

M. et Mme Delaunay.

L’un des fours, peut-être, le plus intéressant de Javené, est celui des Lonchardières. Lorsqu’en 1995, nous avons procédé au recensement des fours, la petite ferme était encore habitée par M. et Mme Delaunay. Ils se prêtèrent volontiers à nos questions et posèrent pour la postérité. C’est aujourd’hui un beau témoignage du passé.

Le recensement des fours à pain encore existants sur le territoire de Javené en a dénombré 56. Fours isolés, fours avec fournil, fours en parfait état, inutilisés, abandonnés, ruinés… nous trouvons un peu tous les cas de figure. Cependant, tous présentent un intérêt: chacun, de par ses formes (culs de four droits ou arrondis), sa capacité, son emplacement, son environnement, nous offre son identité propre, comme s’il voulait nous raconter son histoire particulière.

Afin d’éviter les risques d’incendie, certains fours sont excentrés et isolés des bâtiments de l’exploitation. D’autres, au contraire, sont adossés à un bâtiment, voire même intégrés à la maison d’habitation. Parfois la salle commune où le mur de l’âtre de la cheminée principale peut être creusé pour recevoir l’ouverture d’un four que l’on pourra ainsi utiliser de l’intérieur tout en gardant le fonctionnement initial de la cheminée.

Ce dernier exemple ne se retrouve plus intégralement à Javené. Il a cependant existé, notamment à la ferme de la Bécannière où ce four, de type particulier a été détruit il y a quelques années; et, bien que le four soit également détruit, on retrouve la gueule du four dans l’âtre de la cheminée d’une vieille maison de la Baudussière.

Construction d’un four a pain

Plus un four est grand, plus il faudra de bois pour le chauffer. C’et la raison pour laquelle le volume des fours n’est jamais très important.

Construit généralement de manière traditionnelle avec les matériaux propres à la région où il se situe, le four s’établit sur un socle se situant à hauteur d’homme, soit environ à 1 mètre du sol, su laquelle on disposait la sole en briques réfractaires, parfois en pierres plates. Cette sole formait un foyer d’1,20 m environ de diamètre sur lequel reposait la voûte (0,50m environ de hauteur), constituée des mêmes matériaux scellés au mortier de chaux grasse et de sable fin.

Un procédé astucieux permettait la construction de la voûte hémisphérique. Lorsque la gueule du four était construite – ses dimensions sont réduites pour éviter une déperdition de la chaleur – un gabarit déterminait la forme de la voûte en moulant le tas de terre argileuse préalablement placée sur la sole et sur laquelle il suffisait de poser sur champ les tuileaux réfractaires recouverts ensuite de mortier de chaux, de terre argileuse et de sable.

Lorsque le séchage est suffisant et que les tuileaux sont bien soudés ensemble, il suffit de libérer le foyer en enlevant la terre qui servait de support à la voûte.

La maçonnerie extérieure, la toiture termineront d’isoler et de protéger thermiquement l’ensemble du four qui aura reçu également, en façade, une cheminée pour l’évacuation de la fumée.

Ainsi construit, le four doit encore sécher au moins quinze jours, porte et cheminée ouvertes, avant de commencer à allumer des petits feux qui achèveront de sécher complètement les matériaux pendant quinze autres jours.

Après ce délai seulement, on pourra vraiment chauffer le four et l’utiliser normalement.

Extrait de Le Cheval d’orgueil, de Pierre Jakez Hélias, à propos du pain:

Ceux qui le font, ce pain, en connaissent bien le prix. Sueurs et inquiétudes. Et une sorte de religion à son égard. Ils tracent toujours la croix sur l’envers de la tourte. Certains vieux se signent encore avant de l’entamer. Et il faut les voir le manger pour se rendre compte qu’ils célèbrent un office. Ils le hument, le mâchent lentement, le savourent d’un air réfléchi. Les miettes qui tombent sur la table sont ramassées soigneusement dans la paume et happées jusqu’à la dernière Le pain, c’est leur propre corps.

Quiconque a regardé un paysan breton mangeant son morceau de pain, celui-là sait ce qu’est la gastronomie. Le paysan coupe le pain sur la tourte, il n’aime pas avoir devant lui les tranches coupées d’avance. Il se plaît à tenir une bonne bouchée de pain entre ses doigts pour se la porter sous le nez pendant qu’il mâche la précédente bouchée parce que la vertu du pain, avant d’être dans la saveur est dans l’odeur, n’est-ce pas ! Il mange son pain lentement, tranquillement, le fait passer d’une joue à l’autre, en tire le meilleur avant de l’avaler.

Et il faut voir son visage attentif, ses yeux appliqués pendant qu’il est à sa nourriture. C’est presque la célébration d’une messe, celle du pain quotidien. Ma foi ! Qui a semé, sarclé, coupé, battu le grain pour en tirer la farine destinée à la nourriture sans égale? Qui a rompu ses bras et mouillé sa peau si ce n’est lui? Voici le moment venu de déguster le fruit de son travail. Il faut disposer du temps et prendre du plaisir plein le corps puisque c’est le corps tout entier qui a peiné pour produire la matière du pain.

Nous ne pouvons qu’espérer qu’une attention particulière soit apportée aux fours à pain qui subsistent encore dans nos campagnes et que leurs propriétaires puissent, dans la mesure de leurs moyens, les sauvegarder et les sauver.

Un four qui disparaît, ce n’est pas seulement un tas de pierres qu’on arase,
c’est aussi une partie de mémoire qui s’efface.
(APPAC 1992)

Les fours de Javené photographiés

Bourg Baudussière Bel-Air Bois-Gros Bas-Bois-Gros
Boitardière Champ-Court Charbonnière Chemin-Bigot Clos
Corbelière Cure Éplue Euchevret Ferdinandière
Févrie Grande-Genière Grignonnière Javelais Lande
Lentière Lonchardières Haute-Lonchardière Louisais Basse-Louisais
Maison-Blanche Grande-Marche Marche Maubusson Mébénard
Mézaubert Grande-Moutelais Petite-Moutelais Noguerie Orie
Pâquerie Pihonnière Basse-Piltière Haute-Piltière Rebergère
Rivière Rousselais Tiolais Tremblais Tufferais

Puits de Mézaubert.
Lors de notre recensement, nous n’avons pas trouvé d’anciennes têtes de puits, sauf celui de Mézaubert, fort curieux et intéressant et qui, sans doute est appelé à disparaître.

Le travail du pain aujourd’hui

Voir toutes les photos.

En 1995, lors de notre enquête sur les fours à pain de Javené, nous avions aussi rencontré le boulanger, Gérard Bordais, ancien commis de Joseph Brunet, son prédécesseur, et qui avait pris sa succession. Il avait accepté alors de nous montrer les différentes étapes de la fabrication du pain. En voici quelques clichés.

Ici la préparation de la pâte à l’aide d’une mesure étalonnée. Le boulanger mesure l’eau qu’il verse sur la farine. Il ne pèsera que le sel et la levure qui forme un tas foncé sur la pâte. Les deux bras du pétrin mécanique travaillent généralement en imitant les mouvements des bras du boulanger. Les extrémités plongeant dans la pâte sont conçues pour favoriser l’aération et l’oxydation de la masse. La petite malaxeuse, conçue pour pétrir des pâtes peu importantes, travaille avec un seul bras en forme d’équerre, dont les mouvements sont combinés avec une rotation de la cuve.