La Chapelle Saint-Julien
a chapelle Saint-Julien, aujourd’hui disparue, se situait tout près de la route qui conduit du bourg de Javené au village de la Motte et qui rejoint la route de Fougères à Vitré, a proximité de l’ancien manoir de la Rivière dont elle dépendait. Le champ dans lequel elle était construite à gardé le nom de Le Champ de la Chapelle; il jouxte l’ancienne fortification de terre qui défendait autrefois le passage du Couesnon que l’on franchissait alors à gué.
Nous avons bien peu d’indications sur l’origine de cette chapelle. Il semble qu’elle soit assez ancienne puisque des sépultures de chevaliers de l’Ordre de Malte y avaient leur place et qu’au début du XXème siècle, leurs pierres tombales dispersées furent retrouvées.
Nous savons aussi que la chapelle Saint-Julien fut signalée en 1665, comme chapelle frairienne, c’est-à-dire que l’on pouvait y célébrer des mariages. Les archives nous disent aussi qu’en 1781, la chapelle était desservie par un chapelain et qu’elle était fondée de 20 livres de rentes.
La chapelle dut être le témoin de certains désordres, car l’évêque de Rennes, en 1739, ordonna la réconciliation du petit sanctuaire. Les Archives départementales d’Ille et Vilaine ont conservé le procès-verbal qui fut dressé par le recteur de Javené à la suite de cette cérémonie. Ce document, s’il ne nous instruit pas sur le motif de cette réconciliation, a l’immense avantage de décrire la chapelle à cette époque et de dresser l’inventaire de son mobilier.
Cependant, à la lecture du procès-verbal, on peut penser que ce sont les abords de la chapelle qui étaient concernés, car la cérémonie de réconciliation eut lieu à l’extérieur de l’édifice. Pour autant, nous ne savons pas précisément ce qui motiva l’intervention officielle du recteur de Javené en ce lieu suite à la demande de l’évêque. Les faits devaient être graves. Y fut-il commis un crime ou quelques délits particulièrement scandaleux ou sacrilèges? Le mystère demeure. Nous avons consulté, sans succès, les registres paroissiaux de l’époque: le recteur n’y fait aucune allusion.
Bien que l’ordre épiscopal soit daté du 14 avril 1739, ce ne fut que le 1er mai 1742 que le recteur de Javené, Pierre Pioger de Chantradeuc, procéda à la cérémonie.
Voici ce qu’il dit:
Le 1er mai 1742, Nous soussigné, Messire Pierre Joseph Pioger de Chantradeuc, prêtre recteur de la paroisse de Javené, nous sommes transportés à la chapelle Saint-Julien de la Rivière, dite paroisse de Javené, évêché de Rennes, et, en conséque,nce de la Commission a nous adressée par M. l’abbé de Guersans, chanoine, grand archidiacre de l’église catholique de Rennes, vicaire général et official de Son Excellence Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime évêque de Rennes, ambassadeur de France à la Cour d’Espagne, en date du 14ème avril 1739, signé l’abbé de Guersans,
étant arrivés processionnellement à ladite chapelle, nous avons fait rencontre de Demoiselle Bâton de la Motte, demeurant ordinairement à la Maison de la Retraite au faubourg Roger, paroisse Saint-Léonard de Fougères, une des fondatrices de la chapelle, lui ayant fait voir la Commission de M. l’abbé de Guersans et expliqué le motif qui nous conduit à ladite chapelle, elle nous a déclaré y consentir et même le souhaiter pour cet effet.
étant à la porte de ladite chapelle, elle nous a d’abord fait représenter un crucifix de bois peint en noir avec un Christ, un missel très ancien et dont les canons ont plusieurs feuilles déchirées et raccommodées de papier blanc; trois nappes d’autel neuves avec un manuterge; deux cartes sans celle du lavabo; deux chandeliers de bois peint; un calice avec sa patène; un amict; aube, ceinture demi usée; une chasuble très simple de toute couleur avec son voile, manipule, étole et bourse garnie d’un corporal, pâle et purificatoire.
ensuite, étant entrés dans ladite chapelle, avons été à l’autel qui est de pierre avec des gradins de bois peint, et y avons trouvé une pierre sacrée aux deux côtes de l’autel. Nous y avons remarqué trois statues, savoir: du côté de l’épître: l’image de la Sainte Vierge; du côté de l’évangile, celle de saint Julien, martyr; et à côté, celle de saint Malo, évêque et confesseur; lesquelles statues ont besoin de réparation quoiqu’elles ne soient pas indécentes.
au milieu dudit autel, un tableau de la Descente du Saint-Esprit qui aurait besoin d’être rafraîchi, et au-dessus de l’autel est un autre tableau; le devant dudit autel est en bois peint.
Ensuite, avons examiné le haut de ladite chapelle qui nous a paru bien couvert et bien lambrissé; le vitrail en bon ordre. Sur le haut de ladite chapelle est un petit clocher avec une petite cloche et sa corde.
Dans ladite chapelle sont deux portes: l’une, environ soleil couchant et fermante à clef est bonne, avec un bénitier de pierre de taille; l’autre, vers soleil levant qui se ferme avec une barre de bois. A côté de ladite porte est une petite armoire dans le mur fermant avec un verrou de fer, et au-dessus est une balustrade de bois.
La chapelle est carrelée avec des planches sur quoi il y en a quelques-unes en vétusté, même dans le sanctuaire. Les murs de ladite chapelle étant en dedans blanchis depuis peu et fort bons.
Ensuite avons sorti de ladite chapelle pour procéder, conformément à ladite Commission, à la réconciliation d’icelle, observant les cérémonies marquées dans le grand Rituel romain, après laquelle cérémonie faite, y avons célébré une messe chantée et solennelle à l’intention des fondateurs et répondue par vénérable et discret messire Jean François Fournier, prêtre et premier obitier de Saint-Léonard de Fougères et par vénérable et discret messire Jean Baptiste Henry, prêtre et curé de ladite paroisse de Javené, lesquels ont signé le présent.
Fait et arrêté à ladite chapelle le même jour et an que devant, et avons fait du présent trois copies: la première pour les archives de l’évêché, la seconde pour les fondateurs et la troisième qui est restée vers nous avec ladite Commission. La Demoiselle Bâton de la Motte a déclaré ne vouloir signer le procès-verbal ci-devant.
Comme on le voit, la chapelle devait avoir une certaine importance, puisqu’elle possédait deux portes, un petit clocher, un autel de pierre… Par ailleurs, elle était pourvue d’ornements, de statues dont celle de saint Julien. A ce propos, le recteur de Javené, identifie la statue non pas comme celle de l’évêque du Mans, mais comme étant celle du martyr plus connu sous le nom de saint Julien de Brioude. Les attributs des deux personnages étant très différents, le recteur de Javené ne s’était certainement pas trompé, car saint Julien de Brioude est généralement représenté en soldat romain.
Curieusement, il ne mentionne nullement les douze pierres tombales des Chevaliers du Saint-Sépulcre qui, peut-être, au moment de la visite se trouvaient cachées par le carrelage de planches de bois mentionné par le recteur. Une partie de ces pierres tombales fut retrouvée au moulin de Peluet (en Billé) et conduite au château de Fougères. En 1912, le recteur de Javené, aidé de M. René Cordier en fit ramener à Javené et en plaça une dans l’église, au-dessous de la fenêtre de la chapelle Saint-Fiacre. Cette pierre tombale disparut lorsque l’on installa le chauffage dans l’église, personne ne s’y intéressa hélas. Mais il est possible qu’elle fut récupérée par M. Cordier qui en avait déjà une depuis 1912 et qui l’utilisa longtemps comme pierre de devant de cheminée dans une petite maison aujourd’hui démolie, située près de l’ancien café Cordier. On eut la bonne idée de conserver ces pierres tombales, seuls vestiges de ce passé lointain. Elles sont actuellement placées et remises en valeur dans la propriété familiale des Cordier.
Un bail de 1742 que les preneurs de l’exploitation de la Rivière sont tenus d’acquitter la fondation de la chapelle de Saint Julien de la rivière qui est de 45 livres par an, de fournir le chapelain, les ornements, le vin et les cierges aux messes qui doivent être célébrées toutes les semaines de l’année, d’entretenir ladite chapelle de grosses et menues réparations, de couverture d’ardoises, portes et vitraux, même la charpente en cas qu’elle fut rénovée ou les dommages par l’impétuosité des vents auxquels elle est exposée par sa situation dans une pièce de terre fort élevée.
Quant à la chapelle Saint-Julien, elle fut détruite au cours de la Révolution. Dépendante du manoir de la Rivière, propriété des Bâton, seigneurs de Bonnefontaine, en Louvigné-du-Désert, depuis 1627, nous n’avons pas retrouvé la trace de sa vente comme bien national. La chapelle, située tout près de l’ancienne fortification de terre de la Motte, fut le témoin de deux combats menés par les Chouans de du Boisguy contre les troupes républicaines en 1794 et ce fut sans doute le fait qu’elle put servir d’abri aux Chouans qui décida de sa destruction. Seule, semble-t-il, une petite croix qui, autrefois, surmontait un des pignons de la chapelle, a été conservée et replacée dans la maçonnerie d’une grange construite en 1877, à la ferme de la Rivière.
Les anciens fermiers du Champ de la Chapelle, nous ont rapporté que parfois, au cours de labours, ils relevaient dans les sillons des morceaux de granit rose. L’emplacement de l’ancienne chapelle était facilement reconnaissable, car, au vu des récoltes qui n’avaient jamais la même abondance ou la même qualité à cet endroit, il était facile de la délimiter et, peut-être, aurait-on pu retrouver ses fondations.