Le Tiercent
La paroisse
e Tiercent est une petite commune du Canton de Saint-Brice-en-Coglès peu peuplée - 182 habitants en 2019 - qui a la particularité de n'avoir pas eu, jusqu'au début du siècle, de véritable bourg. Il n'y avait alors autour de l'église, séparés par quelques champs, que le château, le presbytère, la ferme et le moulin. Ce qu'on peut appeler le bourg actuel du Tiercent, avec la Mairie, l'école, quelques maisons, fut construit à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème siècle. Quant à l'important village de Montéchart, situé à près d'un kilomètre de la vieille église, on dit qu'il fut le centre originel du Tiercent. On y trouve encore de nombreuses vieilles maisons, en grand appareil de granit, datées du XVIème siècle.
Pourtant Le Tiercent a une origine très ancienne puisque les périodes celtique, gauloise, romaine et gallo-romaine y ont laissé des traces. Nous verrons encore près de l'église, quatre tombeaux accouplés deux à deux, creusés à même le rocher, dont l'orientation nord-sud laisse présumer une origine païenne. Ces tombeaux, découverts en 1863, peuvent remonter à l'époque carolingienne voire mérovingienne, certains historiens n'hésitant pas à les faire remonter à l'époque gallo-romaine.
L'origine de la paroisse du Tiercent est également très ancienne. Si l'on considère l'église isolée, construite a peu de distance du château, on pourrait croire que la paroisse doit son origine aux seigneurs du lieu, auquel cas, elle remontrait à la fin du XIème siècle. On a même dit que l'église primitive du Tiercent était la chapelle du château.
Il faut attendre la mention faite de l'église du Tiercent dans un acte de 1221 pour avoir une preuve écrite de son existence. Il s'agit d'un différend entre le recteur de l'époque, Guillaume de Chevrigné, avec l'abbesse de Saint-Sulpice-la-Forêt à propos de dîmes dues à l'abbaye.
Dépendante de l'évêché de Rennes, la paroisse avait une autre particularité: jusqu'à la Révolution, le recteur du Tiercent était alternativement nommé par l'évêque et par le Pape lui-même.
La paroisse du Tiercent fut supprimée en 1792 et ne fut pas rétablie lors du Concordat en 1803. La paroisse fut alors rattachée à Saint-Marc-le-Blanc. Ce ne fut qu'à la demande de M. Collin de la Contrie, propriétaire du château du Tiercent, qu'une ordonnance royale rétablit l'antique paroisse le 16 avril 1826. Le nouveau recteur n'en prit possession que le 11 février suivant.
L'église
Dédiée à saint Martin, évêque de Tours, l'église offre encore des preuves de son antiquité puisque des traces romanes sont encore visibles sur ses murs, notamment une fenêtre romane en forme de meurtrière qui témoigne d'une construction de la fin du XIème siècle ou du commencement du XIIème siècle, dernier vestige de ce que fut vraisemblablement la première église paroissiale du Tiercent.
L'église, entourée de son vieux cimetière, renferme elle-même de nombreuses pierres tombales sculptées qui remontent aux XVème siècle et XVIème siècles. Certaines pierres tombales ont été employées au XVIème siècle à la construction des murailles, notamment à la confection du porche.
Ne comprenant qu'une seule nef en grand appareil de granit construite au XVIème siècle, celle-ci est percée d'une fenêtre à meneaux de style flamboyant. Elle est accostée au nord de l'ancienne chapelle seigneuriale, prohibitive aux seigneurs du Tiercent, avec laquelle elle communique avec une arcade ogivale aiguë qui pourrait bien remonter au XVème siècle. Au sud, s'élève le porche dont la toiture masque en partie la fenêtre romane mentionnée plus haut.
Toute la partie supérieure de l'église fut reconstruite au commencement du XVIIIème siècle: le choeur avec son chevet droit et la chapelle nord à laquelle on donna une chapelle sud pour pendant, donnant ainsi à l'édifice la forme d'une croix. Les dates de 1707 et 1711, gravées sur les murs extérieurs, attestent de ces constructions et de l'agrandissement de l'église à cette époque. Le chevet et les pignons des chapelles portent encore les traces de blasons appartenant aux Ruellan, seigneurs du Tiercent de 1602 à la Révolution.
La façade Ouest est percée d'une porte en plein cintre surmontée d'une archivolte. Au-dessus, le clocher en ardoises avec son toit en carène, est surmonté d'un campanile. Dans ce clocher, se trouvent deux vieilles cloches. L'une, bénite le 28 mars 1642, porte cette inscription: Ceste présente cloche a esté donnée par hault et puissant seigneur messire Gilles de Rualan, marquis de la Balue, baron du Tiercent et luy assisté par demoiselle de Coëtlogon - Françoise de Coëtlogon, petite-fille du célèbre Gilles Ruellan du Rocher-Portail, était la nièce du baron du Tiercent, fille de sa soeur Gillette qui avait épousé René, marquis de Coëtlogon en 1606.
L'autre cloche fut placée en 1842, elle présente les noms de ses parrain et marraine, Julien Simon-Champrobert et Adélaïde Le Tarouilly, dame Collin de la Contrie.
L'intérieur de l'église présente des différences de niveaux importantes dues à la configuration du terrain. C'est ainsi que le choeur s'élève de plusieurs marches au-dessus de la nef et que la chapelle nord est encore plus élevée que le choeur.
La chapelle seigneuriale communique avec la nef, nous l'avons dit, par une arcade en arc brisé. Elle contenait l'enfeu des seigneurs du Tiercent et on y voit encore une pierre tombale portant les armes des Ruellan ainsi que d'autres pierres tombales, plus anciennes, des seigneurs du lieu. La chapelle comporte un beau retable du XVIIIème siècle dont une niche est ornée d'une statue de sainte Marguerite.
Nous remarquons également les nombreuses pierres tombales qui couvrent le sol de la nef, certaines remontent aux XVème siècle et XVIème siècles. À remarquer également une très belle statue de la Vierge à l'Enfant (XVème siècle), classée, placée au dessus du Maître-Autel et les fonts baptismaux de forme octogonale.
Bien que supprimée au moment de la Révolution, la paroisse fut maintenue quelque temps en faveur du recteur de l'époque, Jean-François DUVAL, qui avait prêté le serment à la Constitution civile du Clergé. Il devait finalement renoncer au sacerdoce le 12 mars 1794, date à laquelle il déclara que ses fonctions ne pouvaient être celles d'un vrai républicain, seul titre qu'il soit jaloux de porter. Le citoyen-curé fut même nommé maire du Tiercent, on le voit participer à la célébration de fêtes républicaines à Saint-Marc-le-Blanc en 1794 et 1797, demander un poste d'instituteur au Tiercent en 1796 et un certificat de résidence en 1799. Il est alors âgé de 79 ans et quitte le pays, on ne sait ce qu'il devint.
Les tombeaux
Près de l'église, face le porche, se trouvent les tombeaux antiques mentionnés plus haut. Creusés à même le rocher, l'emplacement de la tête est marquée par le rétrécissement de la cavité à l'endroit du cou.
Laissons à M. Maupillé, historien fougerais, le soin de les décrire:
L'église du Tiercent, est bâtie à l'ouest du château sur la croupe d'un mamelon granitique dont les flancs sont fortement inclinés au sud et à l'ouest. Le sol du cimetière, situé autour de l'église, est élevé d'environ 1,50 m au-dessus de la pièce de terre qui lui est contiguë au midi, et dont il est séparé par un mur destiné à soutenir les terres. Dans la pièce de terre en question et dans la partie la plus rapprochée du cimetière, le granit est presque à fleur de terre et formait il y a encore une vingtaine d'années une sorte de plate-bande qui n'avait jamais été cultivée. A cette époque le propriétaire ayant entrepris le défrichement de cette portion, mit à découvert deux tombeaux qui étaient creusés dans le rocher même. Contre l'usage ordinaire, ils étaient dirigés du nord au sud, la tête étant la première de ces directions.
Ils n'étaient pas sur le même plan; celui qui était à l'est dépassant son voisin de la mesure de la tête, dont la place avait été ménagée en taillant le granit. Le premier mesurait en longueur 1,77 m; le second 1,75 m seulement. Leur profondeur, qui était à la tête de 0,28 m à 0,32 m, n'était plus aux pieds que de 0,20 m. leurs côtés n'étaient pas taillés suivant une ligne droite. Celui qui se trouvait à l'est avait sa ligne extérieure assez sensiblement arquée jusqu'à la rencontre de la ligne opposée qui, bien que présentant à peu près la même disposition, l'affectait d'une manière bien moins sensible...
L'autre tombeau présentait, du côté de l'ouest, une ligne assez régulièrement droite, tandis que du côté opposé elle suivait à peu près la ligne parallèle à celle du tombeau voisin, de manière à ce que la cloison qui les séparait restât toujours à peu près la même: elle présentait une épaisseur d'environ 0,13 m, et était sillonnée dans toute sa longueur par une rainure destinée sans doute à maintenir les couvercles. On n'a retrouvé de ceux-ci qu'un fragment qui recouvrait la partie supérieure de l'un d'eux: ce fragment, qui était du même granit que le roc dans lequel les tombeaux étaient creusés, présentait une longueur d'environ 0,80 m; il était à dos d'âne avec des plans légèrement inclinés. Ces cercueils, dont la largeur variait de 0,46 m à 0,44 m à la poitrine, à 0,20 m aux pieds, étaient entièrement vides. L'absence de la plus grande partie des couvercles et la faible couche de terre qui les recouvrait, ne permettent pas de douter qu'ils n'aient été visités à une époque antérieure, et probablement qu'on en aura retiré tout ce qu'ils pouvaient contenir.
Il est possible que des fouilles entreprises dans cette parcelle de terre permettraient de découvrir d'autres tombeaux semblables.
Le presbytère
Le presbytère actuel, grande bâtisse sans caractère située à proximité de l'église, est antérieur à 1678.
Autrefois, l'ancien presbytère se trouvait à une distance assez éloignée de l'église, non loin de Montéchart, sur la route de Saint-Christophe-de-Valains, en un lieu qui garde le nom de Pré du Vieux Presbytère, comme l'atteste l'aveu de la seigneurie du Tiercent en 1678 qui fait mention des terres du Vieux-Presbytère, proche le village de Montéchart.
La déclaration des biens ecclésiastiques par la municipalité du Tiercent en 1790 nous renseigne sur les deux presbytères: Il n'y a aucun bien ecclésiastique dans la paroisse sinon un pré ou était anciennement le vieux presbytère; comme il était fort éloigné et situé dans un lieu malsain, M. du Tiercent céda au recteur le champ nommé Madame pour bâtir un presbytère; depuis ce temps, les recteurs ont joui de ce pré, nommé le pré du Vieux-Presbytère contenant un journal et demy et valant de revenu environ 20 livres.
Une légende veut que l'église primitive du Tiercent était construite dans ce pré de l'Ancien-Presbytère On dit même que quand les seigneurs du Tiercent voulurent faire transférer l'ancienne église près de leur château, les pierres revenaient d'elles-mêmes la nuit à Montéchart à mesure qu'on les transportait de jour au château. Perséverants, les sires du Tiercent réussirent leur entreprise et il ne resta plus que l'emplacement de l'ancienne construction et quelques débris aujourd'hui disparus.
L'origine de cette légende est plus vraisemblablement liée à la translation du presbytère car rien ne prouve que l'église ait changé de place.
Confisqué par la nation au moment de la Révolution et affermé à des particuliers, le presbytère actuel fut finalement vendu par l'État à un habitant du Tiercent en 1807. Lorsque la paroisse fut rétablie, M. Collin de la Contrie acheta le presbytère pour loger le recteur. Après sa mort, sa fille en donna l'usufruit à la commune du Tiercent pour le logement d'un desservant catholique.
L'église est aujourd'hui desservie par le clergé de Saint-Marc-le-Blanc.
Les châteaux du Tiercent
Trois châteaux se sont succédés au Tiercent. D'abord une construction féodale, habitée par les premiers seigneurs du Tiercent du XIIème siècle au XIVème siècle, puis un manoir plus important construit au XVème siècle dont il reste de magnifiques ruines et enfin, le château actuel, élevé par les Ruellan au XVIIème siècle.
Nous ne savons pratiquement rien sur le premier château, on ignore même où il s'élevait. On suppose qu'il s'agissait d'une motte primitive construite sur une position stratégique de la vallée de la Minette et qu'en fait, il occupait sans doute l'emplacement du deuxième château.
Ce second château, bien que ruiné, conserve encore sa tour et une partie de ses salles. Il se situe dans la cour du troisième château. Les textes, notamment les aveux des seigneurs du Tiercent, nous renseignent régulièrement sur ce logis seigneurial et font état de l'existence d'un simple manoir sans douves, sans pont-levis et sans fortifications.
En 1678, Gilles Ruellan décrit ainsi sa demeure:
Le lieu et manoir seigneurial du Tiercent consistant en maisons, salles, chambres, arrières-chambres, cuisines, caves, greniers, logements de pressoir, écurie, buanderie, avec un vieil logement qui autrefois servoit à salles, la tour au bout, le tout à présent ruisné de couverture et sans superficie, avec logement à l'autre bout appellée Chambre de Coëtlogon, cave dessous, grenier dessus; la grande cour entre lesdits logis, circuitée de murailles, portail vers septentrion pour y entrer. Les haut et bas jardins aussi circuits de murailles, compris l'emplassement du colombier; partie du bois de haulte fustaie joignant lesdits jardins, à prendre au joignant du cimetière de l'église de la paroisse du Tiercent jusqu'au ruisseau qui descend de l'estang derrière les Vieilles Salles, faisant séparation de ladite paroisse du Tiercent de celle de Baillé et se rendant à la rivière de Minette, au-dessous dudit bois. Le fonds dudit estang derrière lesdites Salles et d'aultre petit estang et rivière, terre gaste entre iceux, le tout en un mesme pourpris, contenant, compris lesgallois à l'entour de l'église et le lieu où se tient la foire, 18 journaux (Arch. Loire Atlantique B1414).
Comme on le voit, ce qui subsistait de cette seconde construction était désigné, au XVIIème siècle, par la dénomination de Vieilles Salles.
De nos jours, il reste de cette construction en belles pierres de granit, la vieille tour aujourd'hui sans toiture qui comportait trois étages, comme l'attestent les cheminées superposées de ses salles et les fenêtres accompagnées intérieurement de bancs de pierre. On y voit également une fenêtre à croisée de pierre et surtout une jolie porte ogivale dont le tympan renferme deux écussons.
Ce vieux manoir rappelle les constructions du XVème siècle. Peut-être eSaint-il l'oeuvre de Jean Ier du Tiercent, gouverneur de Rennes et constructeur des fortifications de cette ville en 1428. Le manoir du Tiercent n'était pas une forteresse et cette absence de fortifications peut sans doute s'expliquer par le fait que les seigneurs du lieu y séjournaient rarement. Nous verrons en effet les sires du Tiercent habiter plus régulièrement leur manoir de la Chapelle en Guignen au XVème siècle, puis, au siècle suivant, celui de la Houssaye en Saint-Maden (Côtes d'Armor).
Lorsque le famille de Ruellan prendra possession de la baronnie du Tiercent, nous la verrons affectionner davantage leurs châteaux du Rocher-Portail et de La Ballue que leur manoir du Tiercent. Ce seront pourtant les Ruellan qui, au XVIIème siècle, feront construire le troisième château. Il s'agit d'un beau bâtiment régulier, d'un pur style Louis XIV, en pierres appareillées s'ordonnant autour d'un avant-corps à peine saillant avec un grand fronton en anse de panier orné d'un imposant pot à feu. Le toit à la Mansard s'orne de belles lucarnes arrondies et sommées d'une boule. Superbement restauré par M. et Mme de La Haye Saint Hilaire, il y a quelques années, le château du Tiercent a retrouvé tout son lustre et apparaît dans son cadre de verdure comme l'une des propriétés les plus agréables de la région.
La baronnie du Tiercent
Le Tiercent était le siège de la sergentise du Vendelais, une des quatre circonscriptions de la baronnie de Fougères. La sergentise ou la vairie était un office féodal qui, moyennant certains avantages concédés par le seigneur, obligeait le vassal qui s'en trouvait chargé à recueillir les impôts et les amendes perçus dans sa région, une sorte de percepteur pour un territoire rural bien délimité.
C'est ainsi que le seigneur du Tiercent reconnaît, dans son aveu de 1678, devoir présenter un sergent féodé à la Cour de Fougères, tant pour la cueillette des rentes féodales dues à ladite Cour sous la juridiction du Tiercent que pour assister aux audiences et faire les exploits requis.
Lorsqu'au XIème siècle, cette importante baronnie bretonne fut créée, le nouveau baron de Fougères divisa son territoire en sergentises: Le Désert ou sergentise de Louvigné, le Coglais ou sergentise de la Villegontier, le Loerre ou sergentise du Bois-Février et le Vendelais ou sergentise du Tiercent. Ces territoires correspondaient d'ailleurs à d'anciens pagi.
Cette sergentise du Vendelais comprenait 21 paroisses: Vendel, Le Tiercent, Saint-Sauveur-des-Landes, Romagné, Javené, Chienné - Saint-Georges-de-Chesné, Billé, Combourtillé, Parcé, Dompierre-du-Chemin, Luitré, Baillé, Saint-Marc-le-Blanc, Saint-Hilaire-des-Landes, Princé, Châtillon-en-Vendelais, Montautour, Montreuil-des-Landes, Izé - Le Val d'Izé, Saint-Christophe-des-Bois et Mecé.
Comme la sergentise était considérable, on en démembra quelques paroisses pour en faire des sergentises secondaires, telles la Chasse-Beauvais en Romagné ou les Vairies en Saint-Sauveur-des-Landes.
Quand le duc de Bretagne puis le roi de France devinrent barons de Fougères, cette baronnie fut encore divisée en trois grandes châtellenies: Fougères, Antrain et Bazouges-la-Pérouse. Le Tiercent entra alors dans la châtellenie d'Antrain.
Plus tard, lorsque Louis XIV établit en Bretagne l'intendance et les subdélégations; Le Tiercent fit partie de la subdélégation de Saint-Aubin-du-Cormier.
Bien qu'en sa qualité de sergent féodé dans le Vendelais, le Seigneur du Tiercent relevait directement du baron de Fougères, il n'en tenait pas moins sa terre du Tiercent que par le moyen du seigneur de Chauvigné, comme l'attestent plusieurs chartes au XVème siècle. Il n'est pas facile de retrouver comment la famille du Tiercent se trouvait descendre de celle de Chauvigné; on remarque seulement que leurs armoiries étaient pratiquement les mêmes au XIVème siècles:
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Raoul de Chauvigné porte en 1356: quatre fusées rangées et posées en fasce, surmontées de trois mouchetures d'hermine
Alain du Tiercent porte en 1379: quatre fusées rangées et posées en fasce. Pierre du Tiercent portera les mêmes armes en 1402.
Lorsque disparut la famille de Chauvigné au XVème siècle, la seigneurie entra en la possession de familles étrangères à la province: les Le Gris et les du Quesnel. Les sires du Tiercent en profitèrent pour s'émanciper de cette petite suzeraineté. Dans le même temps, la baronnie de Fougères entrait en la possession des ducs de Bretagne, de sorte que les seigneurs du Tiercent rendirent directement aveu de leurs possessions à ces princes. Celà n'empêcha pas le baron de Bonnefontaine, devenu seigneur de Chauvigné de faire remarquer en 1603, que la seigneurie du Tiercent n'était qu'un arrière-fief de Fougères et un fief propre de Chauvigné.
Gilles Ruellan, dans ses aveux de la seigneurie du Tiercent dit tenir du roy noblement, à foy, hommage et rachapt, par le moyen du seigneur de Chauvigné soubs la chastellenie d'Antrain, la manoir seigneurial du Tiercent, etc. (aveu de 1678).
Il est donc possible qu'à l'origine la seigneurie du Tiercent fut un démembrement de celle de Chauvigné. Quoi qu'il en soit, le seigneur du Tiercent devait 179 sols, 15 deniers au baron de Fougères et une rente un peu plus forte au seigneur de Chauvigné: 26 boisseaux d'avoine et 2 mangers l'un de 5 sols, 7 deniers, et l'autre de 2 sols seulement (déclaration du Tiercent en 1450 et 1678). - On appelait manger un repas dû à l'origine par le vassal à son seigneur, cette obligation fut remplacée plus tard par une somme d'argent.
Le domaine
Des aveux du XVème siècle (1435 et années suivantes) nous renseignent sur la composition primitive de la seigneurie du Tiercent:
Le lieu, manoir, domaine, colombier, garenne, bois, estang, haies, prés et appartenances d'iceluy lieu nommé Le Tiercent, situé ès paroisse du Tiercent de de Saint-Mard-le-Blanc, contenant de six à sept-ving journaux de terre...
... la mestairie, estang et bois de la vallée, en saint-Mard, contenant 50 journaux...
... le lieu, domaine, estang et bois de Montéval, en Baillé, contenant 70 journaux...
... Les fiefs ou bailliages du Tiercent s'étendant en Le Tiercent et Saint-Mard, valant de rente 48 livres par denier, une mine de froment et quatre mines d'avoine, plus une poule à chaque tenancier...
... Le Grand-Fief de Baillé, en ladite paroisse, valant de rente 44 livres par deniers, 9 mines de seigle et 8 mines d'avoine, et de chaque vassal un chapon ou une poule...
... en certaines terres, vallée et rochers, nommés le Val de Perret, est assise la justice du seigneur du Tiercent, à trois poteaux, scavoir deux pour ladite terre et seigneurie et un poteau par grâce et gratification de nostre souverain sire et seigneur - le duc de Bretagne, baron de Fougères - et est ladite justice en la paroisse de Baillé.
À ce domaine s'ajoutaient les terres nobles du Haut-Flégé en Baillé, du Fail, en Saint-Marc-le-Blanc, et de la Cherbaudière en Saint-Hilaire-des-Landes.
Un siècle plus tard, la seigneurie du Tiercent s'était beaucoup agrandie, tel cet aveu de 1540 qui la décrit ainsi:
Le fonds des maisons du lieu et manoir du Tiercent, cours, jardrins et vergers, comme le mur du jardrin le comporte jusqu'au ruisseau venant de l'Estang Neuf, y compris le fonds de la maison de la mestairie dudit lieu, contenant le tout ensemble 3 journaux...
Plusieurs bois futaies et taillis, ancienne vignes, mottes et garennes, fonds du moulin de Saint-Martin, terres du pourpris et de la mestairie, le tout contenant 136 journaux valant de rente 44 livres 6 sols 5 deniers...
La mestairie de la Gravelle contenant 75 journaux, valant 23 livres 18 sols 11 deniers; la mestairie de Montéval contenant 63 journaux et valant 24 livres 10 sols 10 deniers; la mestairie de la Vallée, contenant 63 journaux et valant 24 livres 10 sols 10 deniers; la mestairie de la Couvrie, contenant 52 journaux valant 17 livres 17 sols et 8 deniers; la mestairie du Rocher-Poirier (en Saint-Ouen-des-Alleux), contenant 43 journaux et valant 16 livres 12 sols 8 deniers; les mestairies de la Forêt Neuve contenant 78 journaux et valant 18 livres, La Huasserie contenant 60 journaux et valant 20 livres et la Maubaichère contenant 54 journaux et valant 15 livres (ces métairies se situent en Saint-Brice-en-Coglès)
soit 627 journaux de terre estimés valoir 205 livres de rentes, auxquels il fallait ajouter le moulin de l'Etang-Neuf situé derrière le château du Tiercent, ceux de Saint-Martin, de Montéval, de la Gravelle et de Perret; les moulins à blé de Saint-Martin et de Perret, le moulin à draps de Montéval et le moulin de la Perviaye, tous établis sur le cours de la Minette. L'ensemble valait, avec la pêche des étangs, 65 livres de revenu.
S'ajoutaient également les 12 bailliages de la seigneurie: Le Grand Fief de Saint-Marc et les fiefs situés en cette paroisse de Bourseul et de Lessarigné; le Grand Fief de Baillé; les fiefs de Montéchard, de la Papillonnaye et de la Rouaudaye en la paroisse du Tiercent; les fiefs de Melleray, Sallarin, la Coursonnnière, le Rocher-Poirier et la Poterie situés en Saint-Ouen-des-Alleux.
Ces bailliages rapportent ensemble, 137 livres d'argent, 12 mines d'avoine, 9 de seigle et une mine de froment, 8 chapons et une cinquantaine de poulets et de corvées.
Au XVIème siècle, l'ensemble de la seigneurie du Tiercent avoisinait les 400 livres de rente desquelles il fallait retrancher l'acquittement de certaines redevances en deniers et en grains à la baronnie de Fougères, les honoraires de fondations pieuses faites par les seigneurs du Tiercent notamment à Baillé et à Saint-Christophe-de-Valains, les gages des officiers de la juridiction en haute justice du Tiercent, soit 100 sols pour le sénéchal, 60 sols pour le lieutenant et 60 sols pour le procureur. L'entretien d'un sergent à la Cour de Fougères à raison de la sergentise féodée du Tiercent coûtait 100 sols par an (Archives départementales de Loire-Atlantique B 1400).
Érection de la terre du Tiercent en baronnie
Gilles Ruellan acquit la seigneurie du Tiercent en 1602. Il possédait déjà le Rocher-Sénéchal (devenu Rocher-Portail en Saint-Brice, les Renaizières et le Plessis-Sénéchal en Saint-Marc-le-Blanc et les fiefs du Boisbaudry en Tremblay.
En 1608, le roi Henri IV, à la demande de Gilles Ruellan, voulant bien se rappeler les services que ce dernier lui avait rendus pendant la guerre de la Ligue, réunit ces terres et les érigea en baronnie. Ce fut ainsi que par lettres patentes du 7 décembre 1608, le roi joignit et unit aux dites terres du Rocher-Séneschal et des Plessix-Séneschal, celle du Tiercent, des Renaizières et du Boisbaudry-en-Tremblay, à toutes lesquelles appartiennent tous droits de haulte justice, moyenne et basse, nombre de sujets, tant nobles que roturiers, et qui sont de belle et grande étendue dans les paroisses du Tiercent, Saint-Mard-le-Blanc, Saint-Thomas-de-Baillé, Saint-Georges-de-Chauvigné, Tremblay, Saint-Ouen-des-Alleux, Saint-Hilaire-des-Landes, Saint-Brice, Saint-Etienne et Saint-Germain-en-Coglais, Saint-Ouen-la-Rouairie; les dites relevant immédiatement du roy, à cause de sa baronnie de Foulgères.
Le roi ordonne en même temps que doresnavant et à toujours ladite nouvelle baronnie porte le nom et titre de baronnie du Tierzant.
Le roi Louis XIII confirmera cette érection en baronnie de la seigneurie du Tiercent en 1615.
La terre du Tiercent ainsi constituée ne conserva pas son intégrité. Après la mort de Gilles Ruellan en 1627, ce fut sa fille Vincente, femme de Jacques Barrin, seigneur de la Galissonnière, qui hérita de la terre et de la Seigneurie du Rocher-Portail qui fut ainsi distraite de la baronnie du Tiercent - Le Rocher-Portail sera uni plus tard au marquisat de Saint-Brice.
Quant aux fiefs du Boisbaudry en Tremblay, ils furent annexés au marquisat de la Ballue par le baron du Tiercent. Amputée de ces deux terres importantes la baronnie du Tiercent demeura par la suite ainsi composée jusqu'en 1789.
Justice et droits seigneuriaux
Relevant de Fougères, la haute-justice du Tiercent s'exerçait au bourg de Saint-Marc-le-Blanc dans un auditoire qui comprenait également une prison et un logement pour le geôlier. La juridiction s'étendait en huit paroisses: Le Tiercent, Saint-Marc-le-Blanc, Baillé, Saint-Ouen-des-Alleux, Saint-Marc-sur-Couesnon, Vieux-vy-sur-Couesnon, Chauvigné et Saint-Christophe-de-Valains. Comme nous le précise l'aveu de la seigneurie dès 1435, les fourches patibulaires à trois poteaux se dressaient sur le rocher de Perret en Baillé. Un second gibet, également à trois piliers, dépendant de la seigneurie du Plessix-Sénéchal, s'élevait sur la lande de Saint-Marc-le-Blanc. Le seigneur du Tiercent possédait aussi le droit d'avoir des piloris, c'est-à-dire des piliers avec ceps et collier, pour attacher et exposer au public les malfaiteurs condamnés par ses juges, tant en la paroisse du Tiercent qu'en celles de Baillé et de Saint-Marc-le-Blanc.
Le baron du Tiercent avait afféagé au bourg de Saint-Marc-le-Blanc, deux maisons nommées la Maison-Franche et la Maison-Cernée. Pour cette raison, les habitants de ces maisons lui devaient oultre la foy, hommage et obéissance, un escu soleil de rente ou monnoie d'icelle valeur 33 sols, 4 deniers, avec 12 pots de vin blanc des parties d'Anjou et trois couples de pains blancs payables aux six principales festes de chaque année, scavoir à Pasques, Pentecoste, Saint-Jean-Baptiste, Nostre-Dame-My-aoust, Toussaints et Noël, deux pots de vin et un pain à chaques feste, plus une paire de cousteaux et un poignart.
En 1603, Gilles Ruellan obtint du roi Henri IV la permission d'établir deux foires au bourg de Saint-Marc-le-Blanc les 25 avril et 11 juin et deux foires au Tiercent les 6 mai et 29 août. Le seigneur du Tiercent avait également un droit de pêche, prohibitive à tout autre, dans la rivière de la Minette sur l'étendue de ses fiefs et un droit de garenne avec mottes à connils pour la chasse.
Seigneur fondateur et prééminencier de l'église du Tiercent, le baron y avait droit aux prières nominales. Il pouvait faire apposer ses armoiries à l'intérieur et à l'extérieur de l'église dans laquelle il possédait une chapelle renfermant son banc et son enfeu.
À cause de sa terre de la Sénéchaussière, il possédait également une chapelle prohibitive dans l'église de Vieux-Vy-sur-Couesnon. Comme seigneur des Mézandrés, il avait droit à un banc, une litre seigneuriale et un enfeu devant l'autel de la Vierge dans l'église de Chauvigné. Il possédait les mêmes privilèges dans l'église de Saint-Marc-le-Blanc dont il était fondateur, en raison de ses terres du Plessis-Sénéchal et du fief de Saint-Marc. On voit encore les écussons des anciens sires du Tiercent quatre fusées accollées sur la façade occidentale de cette église.
À Baillé, à cause de son fief de Saint-Martin, il se trouvait fondateur de l'église dans laquelle il jouissait des prééminences, de droits d'écussons, d'enfeu et de banc. Comme le presbytère de Baillé se situait dans ce fief, le recteur devait chaque année au baron du Tiercent un chapeau ou couronne de roses, amendable de cinq deniers monnoie.
En 1750, lorsqu'après le décès de sa mère Joseph-René de Ruellan entra en jouissance de la baronnie du Tiercent, il paya à la baronnie de Fougères la somme de 1833 livres pour frais de succession (devoir de rachat ou de mutation), ce qui laisse entrevoir la valeur du revenu de cette seigneurie.
Au moment de la Révolution, le dernier baron du Tiercent, Louis-Charles de Ruellan jouissait d'une belle fortune. Lorsqu'il émigra, on évalua son domaine, confisqué par la Nation, à 14.000 livres de rente.
Ses deux soeurs, Mme de Muzillac et Mlle du Tiercent n'ayant pas émigré conservèrent leur part, soit le tiers des terres chacune et rachetèrent la part de leur frère. Ce qui appartenait en propre au baron du Tiercent comme la Ballue, fut vendu à des étrangers.
Les seigneurs du Tiercent
Comme nous l'avons déjà dit, les seigneurs du Tiercent commencent à figurer dans l'histoire du pays de Fougères dès le XIIème siècle, époque à laquelle leur nom apparaît dans un grand nombre d'actes établis par la Cour de Fougères.
Maison du Tiercent
Il conviendrait de se reférer à l'ouvrage du Chanoine Guillotin de Corson pour connaître la longue lignée de ces seigneurs. Nous ne retiendrons que les principaux:
Gautier du Tersant est le premier témoin avec Geoffroy de Saint-Marc en 1155, et avec Henri du Chastellier en 1157, de diverses donations faites à l'abbaye de Savigny par le baron de Fougères. On le retrouve encore un peu plus tard figurant dans un acte du chapitre de Dol puis dans un acte de donation en faveur de l'abbaye de Saint-Sulpice la Forêt.
Pierre du Tiercent, chevalier, épouse Agnès de Fontenay. Ils vivaient en 1380. Parmi leurs enfants, nous trouvons, Jean Ier du Tiercent; François, capitaine en 1442 du château ducal de l'Isle; Jeanne, dame des Flégés en Baillé; Marie épouse en 1383 Guillaume du Boisbaudry; Alain et Hamelot servent à Saint-Aubin-du-Cormier sous le commandement de Jean du Hallay, gouverneur pour le roi de la place, on les retrouve dès 1379, figurant dans la troupe de Du Guesclin qui soutenait alors en Bretagne la cause du roi de France, puis en 1381 comme défenseurs du château de Saint-Aubin et au service du roi.
Jean Ier du Tiercent, fils du précédent fait partie de la maison du duc de Bretagne Jean V en qualité d'écuyer. Il est désigné en 1419 pour commander une compagnie qui doit escorter en France, le prince Richard de Bretagne, envoyé vers le roi Charles VI. La même année, Jean du Tiercent est, avec d'autres chevaliers, désigné par le duc pour faire partie de sa garde personnelle. Il prend les armes pour défendre le duc qui a de sérieux ennuis avec le comte de Penthièvre et prend part aux États de Bretagne réunis à Vannes en 1427. Il appose son sceau sur la charte de ratification du traité de Troyes conclu entre la France et l'Angleterre. Il est nommé gouverneur et garde de Rennes
À la mort du duc Jean V, son successeur, François 1er, continua ses faveurs à Jean du Tiercent. À la Cour de Bretagne, il continue d'exercer ses fonctions de Maître d'hôtel, ses fils le rejoignent bientôt et servent en qualité d'écuyer ou de page.
Dom Morice, dans son histoire de Bretagne, nous rapporte qu'au premier jour de l'an 1445, le duc fit de fort belles étrennes à toute la famille du Tiercent: à Messire Jean du Tiercent, une coupe d'argent du poids de trois marcs et quatre rubis; à sa femme, un texu de couleurs long o sa graniture dorée; à Jean du Tiercent une coupe d'argent pesant trois marcs; à François du Tiercent, un gobelet d'argent du poids de deux marcs
Deux ans plus tard, en 1447, alors que la cour ducale se trouve au château de Sucinio dans la presqu'île de Rhuys, le duc offre de nouveaux cadeaux à la famille du Tiercent à l'occasion des étrennes. En 1448, alors que François du Tiercent veut prendre part à un tournoi couru à Nantes, le duc lui fit un présent pour l'aider à faire ses joustes.
Jean du Tiercent ne résida pour ainsi dire pas dans son manoir du Tiercent, mais préféra celui qu'il possédait en la paroisse de Guignen auquel il donna son nom. Pendant tout le XVème siècle, le manoir de la Chapelle fut appelé La Chapelle-du-Tiercent; le lieu devint même paroisse, c'est aujourd'hui La Chapelle-Bouëxic.
Mort le 11 décembre 1462, Jean du Tiercent avait épousé Bricette de la Noue qui lui donna neuf enfants, parmi lesquels: Jean II; François, page du duc devenu homme d'église; Guillaume, officier d'Arthur III de Bretagne qu'il accompagne en France en 1458; Louis, homme d'armes de l'ordonnance du duc sous le commandement du sire de la Hunaudaye; Pierre, également homme d'armes du duc; Jeanne qui épousa le chevalier de Trémaudan et reçut en dot l'île de Bréhat que possédait ses parents; Marguerite, épouse le seigneur de Bonnefontaine à Antrain.
Jean II du Tiercent, familier comme son père de la cour ducale, fut envoyé en Guyenne par le duc Pierre II pour rejoindre les troupes du roi de France et combattre les Anglais.
Nommé chambellan du duc François II, Jean du Tiercent reçut 200 livres de gages en 1465 et fut défrayé de l'entretien de 12&nbhommes d'armes et de 127&nbarchers qu'il avait dû entretenir pendant deux mois pour le service du duc.
En 1470, le duc lui demande de ratifier le traité d'Ancenis conclu entre le roi Louis XI et François II. Sans perdre la confiance de son souverain, Jean du Tiercent gagne celle du roi de France. Louis XI en fait son conseiller et l'un de ses chambellans et le nomme capitaine de La Charité-sur-Loire. On le retrouve ensuite à Rennes en qualité de commissaire-commis du duc François II, à une revue d'hommes d'armes de l'armée bretonne sur le Pré-Raoul - Champ de Mars actuel.
Jean II du Tiercent meurt sans postérité le 31 mars 1491. Ce sera son neveu, Gilles du Tiercent qui héritera de ses seigneuries.
Gilles Ier du Tiercent était, dès 1491, l'un des cent gentilshommes de la Maison de la reine Anne de Bretagne et demeura à son service tant qu'elle vécut; son nom figure parmi les pensionnaires de la reine en 1501 pour une somme de 400 livres.
Lorsque le roi Charles VIII mourut en 1498, Gilles du Tiercent reçut pour porter le deuil un béguin de quatre aulnes trois quarts de drap à 5 livres 5 sols l'aulne.
La réformation des terres nobles faite en 1513 pour l'établissement des fouages nous montre que Gilles Ier du Tiercent était richement nanti. Il avait épousé vers 1480, Jeanne de La Lande, fille du seigneur de Callac et de la Motte-Saint-Armel; leurs noms et leurs armes figurent encore sur une cloche et sur les murs de l'église de Saint-Armel dont ils étaient prééminenciers.
Cinq de leurs enfants nous sont connus: François du Tiercent qui succéda à son père; Jean, officier à la cour d'Anne de Bretagne; Goharde qui épousa successivement Jacques Loaisel, seigneur de Brie et de Chambrières, puis, vers 1545, Guillaume Cochard, seigneur de la Cochardière; Briande qui épousa Julien Gaulay, seigneur du Bois-Guy; Françoise épouse Rolland Yvette, seigneur de la Garenne.
François du Tiercent succéda à son père en la seigneurie du Tiercent vers 1520. On le retrouve en 1524 aux États de Bretagne, convoqués à Rennes par le roi François Ier pour faire reconnaître comme usufruitier du duché de Bretagne son fils aîné, le dauphin François.
Gilles II du Tiercent, fils du précédent, fut fait chevalier de l'Ordre du Roi et gentilhomme ordinaire de son hôtel.
À l'âge de 17 ans, il épousa Renée Botherel, fille du seigneur d'Apigné en la paroisse du Rheu, âgée seulement de 10 à 11 ans. Le mariage se fit au château d'Apigné en 1522 au milieu de beaucoup de personnes notables. Les jeunes époux demeurèrent longtemps en bonne intelligence et eurent un fils nommé René qui décéda à l'âge de 6 ans.
Par la suite, on dit que Gilles du Tiercent possédé et gouverné par les seigneurs du Plessix-Bardoul et du Cobatz, commença à malmener Renée Botherel et qu'il dissipa rapidement sa fortune sans que sa femme put s'y opposer tant elle le craignoit.
Il commença par vendre d'importantes seigneuries dont celle de l'Ile de Bréhat. Quant au Tiercent, il semble que ce fut ses soeurs Françoise et Briande qui en prirent possession pour un temps. Un procès nous montre que Gilles du Tiercent, après avoir abandonné sa seignerie du Tiercent à sa soeur Françoise, épouse de Briand de Neufville, seigneur du Plessix-Bardoul, refusa de la laisser en prendre possession.
Le seigneur du Tiercent fut même condamné par le Parlement de Bretagne en 1562, une prinse de corps fut ordonnée et trois sergents royaux furent chargés d'exécuter ce décret. Son épouse, Renée Botherel, prétendit avoir droit à la jouissance du tiers de la fortune de son mari et s'opposa à l'aliénation de ses biens.
Les sergents royaux partirent de Rennes le 14 novembre 1562 pour se rendre au lieu, maison et manoir du Tiercent. Ils n'y trouvèrent que Renée Botherel, la dame du lieu, bien résolue à se défendre, au besoin par les armes, contre ceux qui poursuivaient son mari. Elle avait tout prévu en fermant et fortifiant son manoir et en s'y faisant garder par des hommes d'armes.
Le procès-verbal dressé à l'occasion de cette tentative d'arrestation du Sire du Tiercent a été conservé aux Archives départementales d'Ille et Vilaine - fonds Botherel. Il est intéressant de le reproduire ci-après:
Arrivés au Tiercent nous avons fait sommation et commandement à Gilles du Tiercent, parlant à Damoiselle Renée Botherel, sa compagne et épouse, elle estant enfermée au grand corps de logis de ladite maison, de nous ouvrir les huys et portes d'icelle maison, pour et à fin que eussions mis notre commission et décret de prinse de corps à l'encontre dudit Gilles du Tiercent à exécution; ladite Botherel nous a dit et répondu qu'elle ne ouvriroit ni ne feroit ouvrir ladite maison...
Luy avons fait commandement de par le Roy, ladite Botherel a répondu que elle ne ouvriroit aucunement, disant que nous eussions à luy bailler un aultant (une copie) de nos commissions afin de l'envoyer à son conseil pour nous en faire réponse dans huit jours; ce que nous avons pris pour refus, et à l'endroit avons commencé à procéder et faire ouverture de ladite maison par un endroit de la muraille d'icelle, à raison que les grilles et fenestres d'icelle estoient tellement garnies de grosses pierres et remparées de canonières et batteries auxquelles y avoit plusieurs personnes garnies d'arquebuses par les pertuis desdites canonières, faisant geste de vouloir tirer sur nos personnes...
Et furent jetées et ruées plusieurs grosses pierres desdites fenestres et pertuis et mesme sonné un tambourin de Souisse (sic) afin de faire accourir le peuple et nous mettre en crainte de nous faire saccager; jurant iceux estant en ladite maison: par le chair-Dieu! Canailles, si vous faillez à vous retirer, vous ne retournerez jamais dans votre quartier!
Il ne semble pas que les menaces des assiégés furent mises à exécution car les sergents royaux continuèrent à démolir une partie de la muraille. Alors qu'ils étaient sur le point de pénétrer par la brèche qu'ils avaient faite, la dame du Tiercent leur cria d'une fenêtre de la salle basse: Cessez votre entreprinse de rompre tout, nous nous rendons à justice moyennant que moi et les gens de ma compagnie n'ayent aucun mal. La démolition s'arrêta et les sergents royaux entrèrent au manoir du Tiercent. Ils y trouvèrent sept hommes armés qui furent arrêtés et un certain nombre d'armes: deux brigandines, un gorgeron de maille, trois salades de fer servant à couvrir la tête, une rondelle couverte de cuir noir, six épées, deux daigues, trois piques, trois javelots dorés, deux arquebuses à mèche, une arbalestre avec son baudrier, un tambour de Suisse... Ces armes furent confisquées.
Les sergents firent ensuite la visite du logis pour perquisition de la personne de Gilles du Tiercent qui ne fut trouvé nulle part, et leur fut dit, par les cy-devant nommés, qu'il avoit fui le jour précédent Ils laissèrent Renée Botherel en liberté mais emmenèrent leurs sept prisonniers à Rennes.
Nous ne savons pas comment se termina cette affaire et si Gilles du Tiercent put conserver sa liberté.
Nous savons que les deux époux habitaient Rennes leur logis près la rue du Four du Chapitre. L'été, ils préféraient au château du Tiercent leur manoir de la Houssaye en Saint-Maden (Côtes d'Armor), où ils vécurent une vingtaines d'années.
Après plus de quarante années d'union devenue pénible, la dame du Tiercent demanda à la justice une séparation de corps et de biens. Elle sollicita de la cour de Bécherel un logis séparé où se retirer et jouir paisiblement de la tierce partie des biens de son mary, Gilles du Tiercent, attendu les mauvais traitements que lui fait le dit seigneur.
Le 12 juillet 1568, le juge donne son verdict et déclare qu'il sera baillé à ladite dame logis commode au lieu et maison de la Houssaye pour soi habiter, et lui bailler sa contingente part des biens meubles qui sont de la communauté de leur mariage. Un acte notarié du 19 janvier suivant, signé des deux époux, précise la part des biens mobiliers laissés à l'épouse. Y figurent des lits, linge de table et de maison, vaisselle d'étain, chevaux et bestiaux, etc, avec l'assiette d'une rente de 300 livres.
La fin de Gilles du Tiercent fut triste et pénible. Ce seigneur, bien que chevalier de l'Ordre du Roi et jadis possesseur de nombreuses et belles terres, décéda si nécessiteux de tous biens qu'il estoit contraint de demeurer en une petite maison de village, près le château de la Hunaudaye, en Plédéliac. Il y mourut misérablement en 1578, laissant pour héritier un neveu, Jean du Tiercent.
Quant à Renée Botherel, elle survécut plusieurs années à son mari et mourut à Rennes en 1605.
On ne sait si Jean du Tiercent put jouir réellement de la seigneurie du Tiercent. On peut même en douter, car on voit le seigneur du Plessix-Bardoul continuer sa procédure et ses saisies au sujet des biens du seigneur du Tiercent à la fin du XVIème siècle. Ce sera ainsi que la terre seigneuriale du Tiercent sera vendue en 1602 à Gilles Ruellan partie conventionnellement, partie judiciellement.
Ainsi se terminera misérablement la présence en ce lieu d'une grande et honorable Maison: la famille du Tiercent.
Maison de Ruellan
Le 28 mars 1602, Gilles Ruellan, rendant hommage au roi pour ses terre et seigneurie du Tiercent, dit les avoir achetée depuis six semaines d'avec les propriétaires partie conventionnellement et partie judiciellement. Ses descendants conserveront le Tiercent jusqu'en 1804.
Gilles Ruellan, natif d'Antrain, ancien chartier d'un marchand de toiles, fit fortune au moment des guerres de la Ligue en faisant le trafic des armes entre les deux parties rivales: les troupes du Roi qui tenaient Pontorson et celles de Mercœur, gouverneur de Bretagne. Il s'avère être un marchand et un fin négociateur en toutes choses, du moment qu'elles puissent lui rapporter de l'argent. Devenu riche, il acquit la terre du Rocher-Sénéchal en Saint-Brice-en-Coglès et y fait construite le superbe château qui porte aujourd'hui le nom de Rocher-Portail.
Malgré sa basse origine et la rapidité de sa fortune, il ne faut pas croire que Gilles Ruellan était un vulgaire aventurier. Ce fut même un homme de valeur qui sut se faire apprécier et reconnaître de nos rois. Il rendit de grands services à Henri IV, notamment au moment de la reconnaissance de son autorité par les villes de Fougères et de Dinan à laquelle Ruellan ne fut pas étranger.
Ce fut d'ailleurs le motif qui incita Henri IV à anoblir Gilles Ruellan en septembre 1603. Il reçut pour armoiries: d'argent au lion de sable, armé, langué et couronné d'or
Pour considération des services rendus au roi, le même Henri IV érigea en baronnie les terres du Tiercent et du Rocher-Portail en 1608. Pour les mêmes motifs la reine Marie de Médicis l'exempta en 1609, 1611 et 1612, du paiement des droits de lods et ventes dus par suite de ses acquisitions des seigneuries de La Mézière - paroisse du même nom, de la Motte-au-Vicomte et du Plessix-Channé.
Henri IV lui témoigna encore sa reconnaissance en le nommant membre d'épée de ses conseils d'état et privé et gentilhomme ordinaire de sa Chambre. Enfin, par lettres patentes du 22 mars 1610, le Bon Roi Henri faisait de M. du Rocher-Portail un Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel.
Gilles Ruellan resta en faveur près de Louis XIII qui lui écrivit en 1613 pour le prier de se rendre à Redon afin de participer aux États de Bretagne. Le 31 décembre 1622, des lettres patentes royales érigeaient en marquisat la terre de la Ballue en Bazouges-la-Pérouse acquise par Gilles Ruellan.
Aux honneurs, Gilles Ruellan joignit une grande fortune territoriale par suite d'acquisitions successives. En 1622, il choisit sa sépulture dans la chapelle Notre-Dame de l'église des Grands Carmes de Rennes; il y fit construire un enfeu prohibitif à tout autre, du côté de l'Évangile et y fonda une messe basse quotidienne et deux messes chantées avec prières sur les tombes aux jours anniversaire de son décès et de celui de sa femme. Pour honoraires, il assura aux religieux Carmes de ce monastère une rente de 100 livres assise sur sa terre de la Lande, en Saint-Martin de Rennes.
Cinq ans plus tard, le baron du Tiercent faisait son testament et ordonnait, le 18 mars 1627, la fondation d'un hôpital à Rennes, au-delà des ponts Saint-Martin et obligeait ses héritiers à le faire bâtir et à le meubler en entier, le dotant d'une rente de 10.000 livres tournois. Quelques jours plus tard, Gilles Ruellan mourrait à Paris, comme le précise une lettre de Richelieu qui, le 26 mars, précise: Le pauvre Monsieur du Rocher-Portail s'est laissé mourir. On ramena son corps en Bretagne où il fut enterré le 31 mars dans l'enfeu qu'il s'était fait préparé en l'église conventuelle des Carmes. Ses entrailles furent placées dans l'enfeu du Rocher-Portail, au chanceau de l'église paroissiale de la Selle-en-Coglès.
Après la mort de Gilles Ruellan, sa veuve et ses enfants refusèrent de faire construire l'hôpital à Rennes comme le prévoyait le testatement du défunt. Il s'en suivit une longue procédure qui ne s'acheva qu'en 1659 par une transaction suggérée par l'évêque de Rennes. Les héritiers du testateur qui étaient alors ses petits-fils, versèrent une somme de 55.000 livres à la ville de Rennes et renoncèrent à tout droit de fondation d'hôpital. Cette somme fut placée à intérêts et la rente fut attribuée aux besoins des pauvres de l'hôpital général de Rennes et de l'hôpital Saint-Yves.
Gilles Ruellan avait d'abord épousé Gillette Nicolas dont il n'eut pas d'enfants, puis Françoise Miollays qui lui survécut plusieurs années et dont il eut neuf enfants: Gilles II de Ruellan, baron du Tiercent; Pierre, vicomte de La Mézière, seigneur de Monthorin (Louvigné-du-Désert) et de Texue, maître des requêtes. Il mourut en 1652 sans postérité. Ce furent ses soeurs Vincente qui hérita de sa seigneurie de Texue et Jeanne de la terre de Monthorin; Jacques, conseiller au Parlement de Metz en 1627; René, mort jeune et sans postérité; Gillette, épouse le sire de Coëtlogon, morte en 1622; Barbe, épouse le marquis de Goulaine; Vincente s'unit en 1604 à Jacques Barrin, seigneur de la Galissonnière; Jeanne, épouse Thomas de Guémadeuc, gouverneur de Fougères (décapité en place de grève à Paris le 27 septembre 1617 pour rébellion au roi). Jeanne se retira au Carmel de Paris; Guyonne épousa en la collégiale de la Guerche, François de Cossé, duc de Brissac et pair de France.
Tallemant des Réaux qui laisse dans ses Historiettes un portrait de Gilles Ruellan consacre ces lignes à sa fille: Le feu duc de Brissac étoit une grosse bête. On appelait sa femme le duc Guyon; elle se nommait Guyonne; c'était elle qui faisoit tout.
Bien que la fille de Gilles Ruellan fut largement dotée, ce mariage apparut quelque peu déséquilibré compte tenu de la position de la famille de Brissac à la Cour de France et qui voulait remonter ses origines à l'empereur Cocceius-Nerva. Le mariage fut l'occasion de chansonner le duc et la famille de Cossé-Brissac:
De tant vanter votre illustre maison
De cette histoire on sait tout le détail
Et comme on va
De Cocceius-Nerva
Jusqu'à Rocher Portail
Gilles II de Ruellan, porta du vivant de son père le titre de vicomte de la Ballue. Il fut reçu conseiller au Parlement de Bretagne le 19 janvier 1613 et épousa vers le même temps Marie d'Argouges qui lui donna un fils unique.
Devenu Baron du Tiercent et marquis de la Ballue, il mourut encore jeune et fut inhumé avec les membres de sa famille dans l'enfeu de l'église des Carmes de Rennes le 19 avril 1630.
Gilles III de Ruellan, baptisé en l'église Toussaint de Rennes le 2 avril 1614. D'abord qualifié de vicomte de La Mézière, il n'avait que 6 ans à la mort de son père, il fut placé sous la tutelle de son oncle, Claude d'Argouges, abbé de Saint-Quentin.
Devenu Baron du Tiercent et marquis de la Ballue, Gilles III se fit recevoir conseiller au Parlement de Metz et devint "conseiller du roy en tous ses conseils d'État et privé et maître ordinaire des requestes de son hôtel" Il habitait généralement Paris ou son château de la Ballue. Ce sera dans ce dernier qu'il mourra le 29 février 1676. Son corps fut transféré le lendemain dans l'enfeu de l'église du Tiercent.
Il avait contracté deux unions: de la première avec Françoise Le Maistre, il eut deux filles, Marie et Françoise; de la seconde avec Claude de Nets, il eut trois garçons: Gilles, Claude et Guillaume.
Sa fille Marie se maria trois fois: à Antoine, Marquis d'Argouges puis au sieur de Nouville - ce mariage déplut tant à son père qu'il la déshérita. Devenue veuve pour une seconde fois, elle convola à nouveau avec Hyacinthe de Quatrebarbes, marquis de la Rongère, chevalier de l'ordre du roi, chevalier d'honneur de la duchesse d'Orléans et veuf de Françoise du Plessis-Châtillon. L'importance de ce personnage fit revenir le père sur sa décision et Marie de Ruellan retrouva ses droits. Quant à Françoise de Ruellan, nous savons qu'elle naquit à La Ballue en 1647.
Les fils de Gilles III de Ruellan étaient:
-
Gilles IV.
Claude de Ruellan, né vers 1650. il fixa sa résidence à Pleine-Fougères sur la terre du Plessix-Chesnel ou Plessix-Chalonge qu'il avait achetée en 1709. Tardivement, en 1715, il épousa sa voisine du manoir du Chastellier en Vieux-Viel, Anne-Thérèse de Bréhant dont il eut quatre enfants: Claude, officier, tué à la bataille de Fontenoy en 1745; Jude mort à l'âge de 2 ans; Augustin-René, mort sans postérité et Renée-Magdeleine, née en 1719.
Claude de Ruellan mourut le 10 mai 1725 et fut inhumé, selon ses dernières volontés, dans le cimetière de Pleine-Fougères. Sa veuve se retira au couvent des Bénédictines de la Victoire à Dinan et y mourut en 1749. Guillaume de Ruellan, né vers 1653, entra dans la congrégation des Génovéfains de l'abbaye de Rillé à Fougères. Nommé prieur-recteur de Saint-Ouen-des-Alleux en 1697, il fit enregistrer ses armoiries: "d'argent au lion de sable, couronné d'or". Chanoine régulier de l'abbaye, il fut rappelé par son abbé au monastère Saint-Pierre de Rillé et y mourut en 1726.
Gilles IV de Ruellan, né vers 1649, portait en 1670 le titre de marquis de la Ballue, du vivant même de son père qui se contentait de celui de baron du Tiercent bien qu'il résidât à la Ballue.
Gilles IV fut nommé conseiller-commissaire au Palais de Rennes en 1676 puis conseiller au parlement de Bretagne l'année suivante. Entrant, à la mort de son père, en la possession de la baronnie du Tiercent et du marquisat de la Ballue, cette dernière lui fut saisie par ses créanciers et mise en vente en 1689. Ce fut sa soeur consanguine, Marie de Ruellan, séparée de biens de Hyacinthe de Quatrebarbes qui en fut adjudicatrice. Elle vint habiter la Ballue où elle fit de nombreuses fondations pieuses. A sa mort, en 1699, Gilles IV rentra à nouveau en possession du marquisat.
Comme son frère Claude, Gilles IV se maria sur le tard,. Il avait 50 ans lorsqu'il épousa, le 31 mai 1701, dans la chapelle du château de la Haye-Saint-Hilaire (en Saint-Hilaire-des-Landes), la nièce de la dame de la Haye, Renée-Roberte du Louet de Coëtjunval, âgée seulement de 24 ans.
Lorsqu'il mourut à Rennes en 1721, après 20 ans de mariage, Gilles IV de Ruellan avait donné le temps à sa jeune épouse de lui faire treize enfants:
-
Charles-Jean, né en 1702 à Rennes, mort à la Ballue en 1708.
Mauricette-Pauline, née en 1703, épouse le comte de Coësmes en 1724 et meurt en son manoir du Boisfeillet en Martigné le 30 avril 1733.
Joseph-René, né en 1704, deviendra baron du Tiercent.
Ollivier-Claude, né en 1705, eut pour parrain l'évêque de Tréguier. Il deviendra lieutenant de vaisseau et mourra en 1746.
François-Auguste, né en 1708, mort jeune, il est inhumé au Tiercent en 1711.
Anne-Marie, née en 1711, meurt à l'âge de trois mois. Son parrain était Joseph Tuffin, Marquis de la Rouërie.
Achille-Louis, né en 1712, fut reçu, en 1727 chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem et fut tué en 1734 en revenant de Malte en France.
Gilles-Thomas, né en 1716, fut pourvu comme accolyte à la commande de l'abbaye de Beaulieu en Mégrit. Il en prit possession en 1739 et mourut chanoine et vicaire général de Saint-Brieuc en 1748.
Jean-Marie, né en 1717, devint seigneur du Rozel en Pleine-Fougères et sous-lieutenant au régiment de Rosnyvinen, mort après 1733.
Angélique-Marie, née en 1719, meurt en 1741.
René, décédé en 1734
Joseph, décédé en 1741
Thérèse-Gabrielle, mentionnée en 1721.
Joseph-René de Ruellan, fils de Gilles IV, né à Rennes le 18 mars 1704, fut baptisé le lendemain en l'église Saint-Pierre et Saint-Georges.
Il fut reçu, le 26 août 1723, conseiller commissaire aux requêtes du Palais à Rennes et acheta, en 1727, la charge de Conseiller non originaire au Parlement de Bretagne qui se trouvait vacante par le décès de Robert Denyau, seigneur du Tilleul.
Joseph-René de Ruellan épousa, en l'église Toussaint de Rennes, le 26 avril 1733, Hélène-Modeste de Lambilly, fille du comte de Lambilly et d'Hélène Magon de la Lande. Il emmena aussitôt sa femme à la Ballue. Le curé de Bazouges-la-Pérouse d'alors, M. Berthelot, qui était aussi "maître d'école" a laissé une note manuscrite, rapportée par l'abbé Paris-Jallobert qui, à cette occasion, retrace la réception faite à la nouvelle châtelaine:
Le samedy au soir, jour Saint-Marc, 25 avril 1733, le messager de Bazouges à Rennes arriva sur les six heures du soir à Bazouges, et à peine eut-il déchargé sa voiture, qu'il se mit à battre le tambour, avertissant les bourgeois de se mettre le lendemain sous les armes pour faire honneur à la nouvelle dame que M. du Tiercent nous amenoit. Le lendemain matin, on donna encore les mêmes avis. Peu à peu, les hommes capables de porter les armes s'assemblèrent en grand nombre et marchèrent jusqu'à Saint-Rémy-du-Plain, avec M. de Saint-Germain qui les conduisoit, tenant la place du sieur de la Croix-Morel, ancien lieutenant de la milice bourgeoise..."
Tous les officiers de la juridictionn de la Ballue montèrent à cheval et se dirigèrent vers Saint-Rémy et tous ensemble arrivèrent à Bazouges sur les 6 heures et demye du soir; M. du Tiercent, accompagné de son cousin, M. du Plessix, à cheval, et les dames en litière, tambour battant, le fusil à l'épaule et au son de trois cloches qui sonnèrent un temps assez considérable; et tout le peuple conduisit M. du Tiercent et sa compagnie jusqu'à son château de la Ballue; et ils ont reçu de fréquentes visites de tous les gentilhommes voisins et des bourgeois.
Les barons du Tiercent partageaient leur temps entre La Ballue et la ville de Rennes où ils possédaient leur hôtel particulier Place Saint-Pierre. C'est en cette demeure que s'éteignit René-Joseph de Ruellan le 4 avril 1781 à l'âge de 77 ans. Son corps fut inhumé en l'église Saint-Étienne de Rennes. Sa femme, Hélène de Lambilly, mourut pendant la Révolution, rue du Griffon à Rennes le 21 juin 1791 et son corps fut inhumé en l'église du Tiercent.
Le couple avait eu quatre enfants:
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Renée-Laurence de Ruellan, née à Rennes en 1734, elle épousa en la chapelle de la Ballue, le 20 juin 1752, Charles-Paul de Muzillac, enseigne de vaisseau et fils du seigneur de Pratalo, en Cléden-Poher. Une fille naquit de cette union, Renée, morte au berceau en 1753. Madame de Muzillac vivait encore à Paris en 1810.
Céleste de Ruellan, née à la Ballue en 1736, mourut en ce même château le 26 octobre 1739 et fut inhumée le lendemain dans la chapelle des seigneurs de la Ballue en l'église de Bazouges.
Marie-Céleste de Ruellan qui resta célibataire et vécut à Rennes s'occupant de bonnes oeuvres. Elle se trouvait être, en 1785, l'une des six dames de charité dirigeant avec les religieuses de Saint-Thomas-de-Villeneuve, la maison de l'Enfant-Jésus ou Hôtel des Demoiselles. Elle vivait encore en 1796.
Louis-Charles de Ruellan, unique fils du couple qui sera aussi le dernier baron du Tiercent.
Né à Rennes le 16 juillet 1741, Louis-Charles de Ruellan fut tenu le même jour sur les fonts baptismaux de l'église Toussaint par Charles, chevalier de Lantilly et Louise de Robien, dame de Châteaugiron.
Capitaine de cavalerie, fait chevalier de Saint-Louis, il devint, à la mort de son père, baron du Tiercent et marquis de la Ballue.
Il avait épousé Marie-Josèphe de Lavaulx, veuve de Louis-René Saguier, marquis de Luigné. Le couple résida généralement à Paris dans leur hôtel particulier de la rue de Tournon, situé en la paroisse Saint-Sulpice. Mme du Tiercent mourut avant la Révolution.
Louis-Charles de Ruellan se trouvait en Bretagne en 1788 et on retrouve sa signature au bas de l'adresse faite au roi par la noblesse bretonne pour demander le rétablissement du Parlement de Rennes.
Au moment de la Révolution, il prit le parti de l'émigration et vit sa fortune confisquée et vendue par la nation. Il mourut sans postérité, à l'âge de 78 ans, le 4 juin 1819, exilé à Essen près de Dusseldorf en Allemagne - alors au royaume de Prusse, chez le baron de Sousfeld qui l'avait généreusement accueilli.
Le château et la terre du Tiercent furent rachetés par ses deux soeurs, Marie-Céleste de Ruellan et Renée-Laurence de Muzillac le 26 octobre 1796 avant d'être revendus, vers 1804, à Louis Collin de la Contrie. Ainsi s'acheva cette longue lignée des seigneurs du Tiercent qui, depuis le XIème siècle, resta en la possession de deux seules familles: les du Tiercent et les de Ruellan.
Il convient cependant de rappeler la mémoire de Louis-Charles Collin de la Contrie qui entra en possession du château du Tiercent et s'avèra être un personnage tout à fait exceptionnel dont le rôle pendant la Conjuration Bretonne et la Chouannerie fut de première importance.
Né à Bazouges-la-Pérouse le 22 novembre 1761, Louis-Charles-René de la Contrie, fils de Bazile de la Contrie, notaire et procureur au siège royal de Bazouges et d'autres juridictions, devint lui-même avocat au Parlement de Bretagne, sénéchal de la Ballue et du Plessix-Chesnel. Il épousa à Bazouges, le 10 septembre 1789, Adélaïde Renoult dont il eut plusieurs enfants.
M. Collin de la Contrie se trouvait être très lié avec le marquis Armand Tuffin de la Rouerie et faisait partie du Conseil de la division de Fougères présidé par Aimé du BOIS-GUY. Il dirigea les mouvements d'insurrection dans nos pays de Haute-Bretagne.
Il se trouvait au château de la Ballue avec son épouse lorsqu'en 1792, les gendarmes vinrent y perquisitionner, croyant y trouver le célèbre marquis qui n'y était pas.
La mort de La Rouërie et la découverte de papiers compromettants mirent fin à la Conjuration Bretonne et ce fut alors que Collin de la Contrie se joignit aux Vendéens dans leur Virée de Galerne puis aux Chouans du Pays de Fougères, ne cessant depuis de servir le parti du Roi avec un zèle éclairé et une fidélité inviolable (Histoire de la Guerre de Vendée IV - 121 - de Beauchamp)
Après sa défaite et l'extermination de l'armée vendéenne, le comte de Puisaye se mit à la tête des Chouans de Bretagne et réorganisa les troupes, les répartissant par unités dépendantes également d'une organisation tant militaire qu'administrative. Collin de la Contrie représenta au Conseil Général l'arrondissement de Rennes et de Fougères auquel on ajouta les extensions dans la Normandie et dans le Maine occupées par M. du Bois-Guy
Le 10 octobre 1795, il prêta le serment de maintenir de tout son pouvoir la religion catholique dans l'ancien exercice de son culte et de rétablir la monarchie française sur ses anciennes bases et fut chargé avec le député de Vannes, Lemercier, de la correspondance avec les différentes armées et les administrations subordonnées au Conseil général, de la rédaction, impression et promulgation des adresses, arrêtés et procès-verbaux et de la garde des archives.
En 1796, devant les diverses rivalités qui animaient les armées royales et dont les résultats se démontraient être très funestes, une réunion fut organisée à Londres. Collin de la Contrie fut choisi pour y assister et l'auteur précédemment cité a écrit que sa conduite fut pleine d'honnêteté, d'énergie et de constance. Ce fut sans doute vrai car, le 7 août, il fut fait Chevalier de Saint-Louis par un Brevet signé de Monsieur à Edimbourg le 15 juin 1796.
Compte tenu de sa responsabilité, Collin de la Contrie, voulut en consigner les faits et écrivit le Journal de son voyage et séjour à Londres aux mois d'avril, mai, juin et juillet 1796, comme député de l'armée catholique et royale de Bretagne.
Fidèle ami de Puisaye et après que ce dernier eut perdu toute autorité dans notre province, Collin de la Contrie se retira dans sa famille la pacification venue. Ce sera à cette époque, vers 1804, que Mme de Muzillac, née Renée de Ruellan, retirée à Paris, lui vendit le château du Tiercent.
Anobli par Louis XVIII à la restauration - 14&nbdécembre 1822), il reçut pour armoiries Parti au 1er de gueules, à la tour d'argent maçonnée de sable; au 2e d'or, au lion de sable tenant à la patte dextre une fleur de lis au naturel et pour devise: Consilio et gladio, rappelant ainsi ses rôles de conseiller et de soldat.
Veuf en 1808, ce fut le 10 mars 1834 que cet homme de bien et de valeur mourut au Tiercent où il fut inhumé dans le cimetière près le porche de l'église. On y voit encore sa tombe qui porte ces inscriptions:Louis-Charles-René Collin de la Contrie, écuyer, chevalier de Saint-Louis, colonel dans les armées royales de l'Ouest - Vir probus Déo, patriae, suisque devotus, vitam beneficiis plenam exhalavit X martii 1834. In memoriâ oeternâ erit justus
Ce fut son fils Édouard qui hérita de la terre du Tiercent. Né en 1804, conseiller à la Cour d'appel de Rennes, chevalier de la Légion d'honneur, Edouard Collin de la Contrie épousa, en 1838, Adèle Le Tarouilly et mourut veuf en 1879.
De cette union, il laissait un fils unique, Edouard-Marie, né en 1840, marié en 1863 à Denise de Lantily de Trédion, mort à Rennes en 1894, et d'où sont nés deux enfants:
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Paul-Auguste Collin de la Contrie, né à Rennes en 1864, marié à Rennes en 1889 avec Ernestine de Beaudiez dont il eut deux enfants: Paul et Françoise. Ce fut lui qui hérita de la terre du Tiercent.
Marie Collin de la Contrie, née en 1870, mariée en 1889 à Gaston Besnard de la Vieuville, et qui eut deux enfants: Yves et Gaston.
Le château du Tiercent appartient actuellement à M. et Mme de La Haye Saint Hilaire que nous remercions bien vivement d'avoir accepté de nous accueillir en leur propriété.
Bibliographies et sources
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Paul Banéat (Le Département d'Ille et Vilaine)
Chanoine Guillotin de Corson (Pouillé de Rennes)
Chanoine Guillotin de Corson (Le Tiercent - 1903)
Émile Pautrel (Notice d'Histoire et d'Archéologie)
Bernard Heudré (Églises et chapelles d'Ille et Vilaine)
Comte de Contades (Un chouan à Londres, Louis Charles Collin de la Contrie - extrait de la revue de la Révolution, p.8)
Beauchamps (Histoire des Guerres de Vendée, IV-121)
Le Nôtre (Le Marquis de la Rouërie)