Livre de prescriptions de Joseph Bouësselsieur du Bourg, chirurgien à Billé (1765 - 1806)
note de juin 1792 contenant un rappel de l'année 1786 fait référence à ce qui étoit écrit sur le premier livre. Malheureusement, ce précédent livre de marque n'est pas parvenu jusqu'à nous.
u fil des jours, Joseph Bouëssel notait les visites à ses patients. La première note est datée du 27 janvier 1788 et la dernière de la fin du mois de juillet 1805. Toutefois, sur la première page du livre il fait allusion a des impayés datant de l'année précédente. Mais il semble qu'il était déjà à l'œuvre plus tôt: uneJoseph avait dès le début une clientèle importante avec près de 500 consultations par an jusqu'en 1792. Son livre fait état des lieux où il se rendait, des motifs de ses consultations, des actes accomplis, des remèdes prescrits et des honoraires perçus. Il comporte 376 pages numérotées où il a porté 4 714 notes. Beaucoup d'entre elles mentionnant plusieurs voyages, il a fait en seize années près de 9 000 déplacements à domicile. Le graphique ci-dessous décrit le nombre de consultations - notes dans le livre - en couleur soutenue et le nombre de voyages effectués en couleur claire.
Nombre annuel de visites de 1788 à 1804
Les pages 217 (septembre 1794) à 240 (septembre 1796) de son livre de marque ont disparu. Elles correspondaient aux années les plus noires de la Révolution. Or, ces pages manquantes ont existé car il y est fait référence par plusieurs renvois dans les pages suivantes. Pourquoi ces pages font-elles défaut? Il est vraisemblable que Joseph Bouëssel les a supprimées pour dissimuler les preuves de soins donnés aux chouans. Selon la tradition familiale il soignait les bleus et les blancs indifféremment comme doit le faire un vrai médecin. Mais il ne faisait pas bon prêter secours aux chouans à cette époque.
Toujours est-il qu'une forte baisse de son activité se fait sentir à partir de 1793. Une estimation, basée sur le nombre moyen de notices par page (13,5), atteste d'une moyenne annuelle de 170 consultations seulement entre 1794 et 1796. Le nombre remontera ensuite, mais sans atteindre le niveau des années du début.
De la lecture du livre il ressort qu'il n'écrivait pas toujours au jour le jour. Les dates ne sont pas mentionnées systématiquement. Quand elles le sont, il arrive qu'elles soient erronées. De plus, notre chirurgien avait quelques réticences ou difficultés à faire usage du calendrier républicain en vigueur à partir de 1792 - il invente le mois herbidor. De tout cela, il découle que la chronologie n'est pas toujours respectée. La confrontation avec les registres de l'état civil de l'époque permet de la rétablir dans une certaine mesure. Il n'en reste pas moins que la datation précise des années 1796 et 1797 reste impossible.
Maux
Le motif des interventions n'est indiqué que dans moins d'un quart des cas pour préciser le mal dont souffre le patient et le plus souvent la partie du corps concernée. La figure ci-contre décrit les régions affectées et le nombre d'occurences des soins. En passant le curseur sur un point rouge, le nom du membre ou de l'organe apparaît suivi du nombre de fois où il est rapporté.
Les maux les plus rencontrés sont les luxations (62), la gale (48), les fractures (37), la dysenterie (30), la fièvre (18), les plaies (18), l'érysipèle (13), les brûlures (11), le scorbut (4), les hernies (3), les ulcères (2), la toux (2).
De la carte des organes et des maux rencontré, il est aisé d'imaginer les actes que Joseph Bouessel accomplissait. Le plus fréquent était de loin la saignée (369). Viennent ensuite La confection de pansements, bandages et autres emplâtres et les réductions de fractures et de luxations. Une seule fois, il mentionne une amputation: il s'agit d'un auriculaire.
Remèdes
La pharmacopée ancienne reposait sur les minéraux et les extraits de plantes ou d'animaux. De nos jours les plantes sont encore largement utilisées. Les minéraux, souvent des poisons, se rencontrent encore en homéopathie. De nombreux médicaments actuels sont constitués de substances identifiées dans des organismes animaux. Les drogues étaient administrées seules ou en mélange dans différentes préparations énumérées dans le tableau.
Prescriptions | |||
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apozèmes | 172 | baumes | 38 |
décoctions | 43 | eaux | 269 |
emplâtres | 445 | fleurs | 236 |
loochs | 219 | onguents | 149 |
pilules | 28 | pommades | 46 |
potions | 238 | racines | 45 |
sels | 373 | sirops | 634 |
tisanes | 292 | vermifuges | 592 |
vins | 64 | vinaigres | 83 |
vomitifs | 1116 | ||
Le nombre important de préparations et de drogues aboutit à une grande variété de remèdes. Il en découle que les prescriptions aux patients sont très variées: 585 remèdes différents ont été relevés dans le livre. Beaucoup n'apparaissent qu'une seule fois. Souvent, il se montrait peu disert: plus de mille fois il se contenta d'écrire médecine ne précisant que dans quelques cas le type de médecine administrée.
De nos jours, nombre de remèdes paraissent bien anodins. Il prescrit fréquemment des tisanes, vins blancs et rouges et autres eaux de vie qu'elles soient allemandes ou non. Cela ressemble fort à des remontants: une chopine d'eau de vie pour une parturiente, une eau de quinquina après une amputation d'un petit doigt, du bouillon de veau qu'il soit de mou ou de courée. Parfois il s'agit de simple sucre quand il n'est pas qualifié de purgatif.
Mais la plupart des prescription reposent sur le règne végétal. Les fleurs d'abord, mais aussi les racines entrent dans maintes préparations. Le miel est partout présent: outre d'être indiqué en tant que tel, il se retrouve dans les loochs. Moins souvent rencontrés, les extraits d'animaux sont plus étonnants: poudre de cloporte, de vers, de vipère, cantharide, sangsues. Ce ne devait pas toujours être appétissant d'ingurgiter certains mélanges.
Accouchements
Joseph Bouessel pratiqua 253 accouchements dont 119 à Billé. Pendant la durée de son exercice, il y eut 562 naissances à Billé. Il n'était généralement fait appel au chirurgien que lorsqu'il y avait des difficultés. C'est possible qu'il se soit substitué aux sages-femmes. Contrairement aux périodes précédentes, les sages-femmes à Billé sont rarement mentionnées au cours de la seconde moité du XVIIIème siécle. La présence à Billé de chirurgiens - Pierre Bruneau, André Métivier (père et fils), Jean Monclair et Charles Fouro - peut éventuellement expliquer cette absence.