Billé se met au courant
1929-1958
Lorsque le réseau électrique est affecté par une panne, nous réalisons combien de problèmes se posent à nous. Tout dans nos maisons est dépendant de l'électricité. Sans elle, plus de lumière, plus de chaud, plus de froid, plus de communications... Si la panne se prolonge, l'impact sur la vie courante devient très important. Et pourtant, il n'y a pas si longtemps, avant 1930, il n'y avait de courant électrique dans aucun foyer de Billé.
Le 8 février 1921, L'Ouest-Éclair, annonçait la construction d'une ligne électrique de Fougères vers Billé. Le samedi suivant Le Réveil Fougerais reprenait l'information. Le 18 novembre 1923 apparut la première mention de l'électricité lors d'une réunion du conseil municipal. Encore était-ce pour rejeter la proposition d'électrification, formulée par la préfecture, considérant les frais qui en résulteraient pour la commune. Le 14 février 1926, le conseil municipal donne son adhésion au projet de concession envisagé qui hâtera l'électrification rurale de la commune. Dans sa séance du 6 mars suivant, retranscrite intégralement ci-dessous, il engagea la commune sur la voie de l'électrification. Le 7 juillet 1926, il décida de donner son adhésion définitive.

Électrification des campagnes
Le Président a ouvert la séance et exposé les avantages que présenterait pour les habitants de la commune la distribution de l'énergie électrique à la fois en vue de l'éclairage et de la force motrice.
Il fait ressortir que la construction et l'exploitation du futur réseau serait particulièrement facilité par la constitution d'un syndicat de communes appelé à défendre les droits des communes adhérentes vis à vis de l'exploitant et de tous les industriels de l'électricité et à faire toutes opérations concernant la distribution de l'énergie en formation électrique.
Le Conseil, après avoir entendu les explications de M. le Maire, décide de donner l'adhésion de principe de la commune au syndicat intercommunal en formation.
Le Conseil décide en outre de charger le bureau du comité syndical de se tenir en rapport avec le service du génie rural pour l'étude du projet, pour la détermination des limites et de la consistance du réseau et pour le choix du mode d'exploitation et aussi pour la recherche la plus équitable de répartition des dépenses syndicales entre les communes adhérentes et pour la recherche des moyens financiers à employer pour faire face aux frais d'établissement.
Le Conseil fait choix comme siège du syndicat la Mairie de Javené Fougères.
Enfin le Conseil délègue M. Jean Roussel cultivateur au village du Houx pour représenter la commune aux séances du Comité du Syndicat.
Dès lors, plusieurs séances du conseil municipal furent consacrées aux aspects financiers. Lors de la séance du 15 mai 1927, le conseil décide d'électrifier immédiatement le bourg de la commune et vote la réalisation de l'entreprise.
Le 26 août 1929, L'Ouest-Éclair faisait le point sur La situation de département du point de vue de l'électrification. Il exposait que 163 des 360 communes d'Ille-et-Vilaine étaient partiellement électrifiées à la fin de 1928. Des réseaux basse tension venaient d'être mis en service dans 32 nouvelles communes, dont Billé, depuis le début de l'année. Ainsi, l'ensemble des habitants du bourg eut la possibilité de s'équiper de l'électricité à partir de 1929.
Le 26 janvier 1930, le conseil émit un avis favorable à la concession de distribution de l'électricité à la société du Bourbonnais. Toutefois, il est heureux de saisir l'occasion pour protester auprès de la Cie contre les primes exagérées imposées aux abonnés, en plus de la dépense d'énergie électrique, primes que les intéressés ignoraient devoir payer avant l'installation du courant chez eux.
Dans le bourg
Le transformateur destiné à l'alimentation du bourg fut érigé dans le cimetière - alors autour de l'église. Il consistait en une armature métallique haute de plusieurs mètres. Elle supportait, sur plusieurs étages, les fils d'arrivée et de départ de l'électricité et les éléments nécessaires à la transformation du courant. Il est visible, bien qu'incomplètement, sur plusieurs photographies datant du début des années 1950.
photos Charles Gouin, recteur de Billé
Le courant à haute tension arrivait au sommet de la tour et en repartait pour être distribué à l'ensemble du bourg par quatre fils disposés verticalement et supportés par des poteaux en bois. C'est sur ces fils que venaient se compter les hirondelles plusieurs jours avant leur migration. Lorsque c'était possible, essentiellement rue de Fougères, des supports métalliques scellés aux façades des maisons se substituaient aux poteaux.
Lors de ses séances du 24 octobre 1937 et du 20 janvier 1938, le conseil municipal demande que soit assurée au plus vite l'électrification des écarts vers la maison Delamarche et Battais, vers les Ronces et la Tollerais. Il émet le souhait de voir établir deux nouvelles lignes vers la route de Parcé d'une part et vers l'Étang et les Veilleries d'autre part.
À défaut de subventions, le 27 mars 1938, le conseil prend acte que ce dernier souhait n'est pas réalisable dans l'immédiat. Il entérine la construction des tronçons allant du transformateur existant aux points suivants: l'habitation Battais-Delamarche, les Ronces et la Haute Tollerais.
C'est à ce stade que le programme d'électrification va être interrompu pendant plusieurs années à partir du début de la guerre, en septembre 1939. En dehors des deux hameaux mentionnés, les fermes n'ont pas encore accès à l'électricité.
En campagne
Après la guerre, les travaux d'électrification ne reprendront pas immédiatement. En juillet 1950, le syndicat intercommunal d'électrification de Fougères sud fut autorisé à exécuter les travaux au titre du programme de 1950. Ils concernaient le poste T3 de Parcé et une partie de ces travaux devait être effectuée dans la commune de Billé. Il s'agissait de l'électrification des villages situés sur la route de Parcé qui avait été ajournée avant la guerre à partir du transformateur situé à l'entrée du chemin du Bas-Plessix qui existe encore de nos jours. Les habitants de ces villages bénéficièrent de l'électricité au printemps de 1952.
La même année, les Ronces furent aussi équipées à partir du transformateur de Bourg et probablement aussi la Haute Tollerais et les Fosses, comme il avait été prévu avant la guerre.
Avant-guerre, il avait aussi été question d'amener l'électricité vers l'Étang et les Veilleries. Le conseil municipal demanda le 11 novembre 1950 que cette tranche soit inscrite au programme de 1951. Un transformateur fut construit au Ronceray pour desservir les 95 habitants de 27 foyers de cette partie de la commune. Ils furent raccordés au réseau en automne de l'année 1953.
Le 2 novembre 1953, curieusement, le C.M. décide le tirage au sort du transformateur électrique qui sera mis en construction après le T2. C'est le poste T4 qui est désigné par le sort. S'il n'est pas trop difficile d'attribuer la désignation T2 au poste du Ronceray qui venait d'entrer en service, le transformateur T4 était peut-être celui qui fut construit à la Basse Tollerais, étant donné que ce secteur de Billé fut le prochain à recevoir le courant électrique en avril 1955.
Échange de bons procédés
Dans le secteur de la Saute cochère, un agriculteur avait acheté un moteur électrique avant d'avoir le courant. Pendant les deux années d'attente, il échangea son moteur contre un moteur Bernard avec un fermier de Vendel qui avait l'électricité. Lorsqu'arriva le courant en 1956, il s'empressa de récupérer son moteur électrique et son collègue qui s'y était bien habitué acheta à son tour un moteur électrique.
Deux autres parties de Billé eurent l'électricité en 1956 pour lesquelles furent ajoutés deux nouveaux transformateurs. L'un d'eux, qui a disparu, situé sur le chemin conduisant à Mésaubouin et le second en face de celui de la Saute Cochère.
L'électrification de Billé s'acheva en 1958 lorsque furent alimentés les villages de la Cosvinière, des Monceaux et de Courgoulu. Ce dernier transformateur se trouvait au bord du chemin, avant le Haut Monceau. Les derniers servis eurent l'avantage d'être alimentés directement en 220 volts. Entre-temps, en 1956, il avait été décidé au niveau national d'unifier les tensions électriques à 220 volts. La mesure s'appliqua progressivement au reste de la commune. En 1996, tout le territoire passa à 230 volts. Au sujet des tensions, voir cet article.
Il fallut donc près de trois décennies pour que l'ensemble de la commune soit couvert par le réseau électrique.Des cinq transformateurs érigés sur la commune à partir de 1951 et jusqu'en 1958, il n'en subsiste que trois auxquels il faut ajouter celui du Bas Plessix en Parcé. Ceux de Mésaubouin et du Haut Monceau ont étés remplacés par des installations plus modernes et celui de la Saute Cochère est en passe d'être démonté. Ceux qui restent ne desservent plus qu'un nombre très limité de foyers contrairement à leurs débuts.
d'apès Google street view
Un nouveau mode de vie
Éclairage du Bourg
Si les maisons du bourg furent alimentées en courant électrique au début des années 1930, ce n'est que le 21 juin 1953 que le C.M., par 12 voix contre une, vote le projet d'éclairage public du bourg avec 5 lampes.
Dans la partie du bourg correspondant à celui de l'époque, il y a actuellement 27 lampes.
Le premier émerveillement vint de la lumière: cela devenait si simple de tourner un bouton quand la nuit tombait. Auparavant, il fallait gérer les lampes à pétrole ou à carbure et ce n'était pas toujours simple. Un bon éclairage permettait en outre de prolonger les journées d'hiver, pour travailler plus longtemps ou pour mieux profiter des veillées.
La force motrice électrique offrait aussi beaucoup d'avantages, soit dans les ateliers d'artisans, soit dans les fermes. Beaucoup en profitèrent pour installer une pompe mue par un moteur électrique pour amener l'eau du puits au robinet. L'apparition de postes de T.S.F. dans les foyers marqua bien des esprits. Très vite, un certain nombre de fermes purent s'équiper de trayeuses, ce qui diminuait d'autant la charge de travail, des femmes en particulier. Écrèmeuses et barattes connectées à un moteur électrique facilitèrent le traitement du lait. Réfrigérateurs et congélateurs allaient suivre qui permirent une meilleure conservation des denrées alimentaires.